10 faits essentiels sur biphobie

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La biphobie, cette forme spécifique de discrimination et de stigmatisation envers les personnes bisexuelles, reste souvent dans l’ombre des discours sur les LGBTQIA+phobies. Pourtant, ses manifestations sont bien réelles, insidieuses et profondément blessantes. Elle émane parfois de la société hétéronormative, mais aussi, cruellement, de l’intérieur même de la communauté queer. Comprendre la biphobie, c’est reconnaître sa complexité et ses multiples visages pour mieux la déconstruire. Cet article se propose de démêler les fils de ce phénomène en présentant dix faits essentiels, afin d’éclairer, d’informer et de contribuer à un environnement plus inclusif pour toutes les sexualités.

📚 Table des matières

10 faits essentiels sur la biphobie

La biphobie n’est pas une simple sous-catégorie de l’homophobie

Une erreur commune est de considérer la biphobie comme une simple extension ou une variante de l’homophobie. En réalité, il s’agit d’une forme distincte de discrimination avec ses propres mécanismes et ses stéréotypes spécifiques. L’homophobie cible les personnes attirées par le même genre, niant la légitimité de leur orientation. La biphobie, elle, nie la nature même de l’orientation bisexuelle en la invalidant. Elle ne dit pas « votre attirance est mauvaise » de la même manière, mais plutôt « votre attirance n’existe pas », « c’est une phase », ou « vous êtes simplement confus ». Cette distinction est cruciale car elle nécessite des outils de lutte et de compréhension adaptés. Les personnes bisexuelles peuvent faire face à une double discrimination : de la part des hétérosexuels qui les perçoivent comme « trop gays » et de la part de certains homosexuels qui les perçoivent comme « trop hétéros », ce qui les place dans un entre-deux stigmatisant que ne connaissent pas les personnes exclusivement homosexuelles ou hétérosexuelles.

L’invisibilisation : « La bisexualité n’existe pas »

L’un des piliers de la biphobie est l’invisibilisation, c’est-à-dire le refus de reconnaître la bisexualité comme une orientation sexuelle valide, stable et réelle. Ce déni se manifeste par des phrases courantes et blessantes comme « C’est juste une phase d’exploration avant de se décider », « Tu es juste gay/lesbienne mais tu n’assumes pas encore », ou « Tout le monde est un peu bi, ce n’est pas une vraie orientation ». Cette négation a un impact dévastateur sur l’identité des personnes concernées. Elle les prive de modèles, de communauté et de la légitimité dont toute personne a besoin pour construire une image de soi positive. Dans les médias, cette invisibilisation est flagrante : les personnages bisexuels sont rares, et lorsqu’ils existent, leur bisexualité est souvent présentée comme un trait capricieux, trompeur ou temporaire, renforçant ainsi le stéréotype au lieu de le combattre.

Le stéréotype de l’infidélité et de l’incapacité à se satisfaire d’un seul partenaire

Peut-être le cliché le plus tenace et le plus dommageable : l’idée qu’une personne bisexuelle est par nature incapable de monogamie ou de fidélité. Le raisonnement fallacieux sous-jacent est le suivant : puisqu’elle est attirée par plusieurs genres, elle aura nécessairement besoin de plusieurs partenaires et ne pourra jamais être satisfaite dans une relation exclusive. Cette croyance est non seulement fausse mais aussi profondément insultante. L’orientation sexuelle définit qui suscite notre attirance, pas notre modèle relationnel (monogame, polyamoureux, etc.). De nombreuses personnes bisexuels sont monogames et fidèles, tout comme de nombreuses personnes hétérosexuelles ou homosexuelles peuvent être infidèles. Ce stéréotype alimente une méfiance injustifiée et sert souvent de justification à des comportements discriminatoires, comme le refus de sortir avec une personne bi par crainte d’être trompé.

La biphobie internalisée : la guerre intérieure

Le phénomène de biphobie internalisée est un aspect psychologique extrêmement puissant et douloureux. Il s’agit de l’intériorisation des stéréotypes, préjugés et messages négatifs sur la bisexualité par les personnes bisexuelles elles-mêmes. Après avoir été exposées de manière répétée à des discours invalidants (« ça n’existe pas », « tu es greedy », « tu es confus »), elles peuvent finir par croire que ces messages sont vrais. Cela se traduit par un sentiment de honte, un doute permanent sur sa propre identité (« Suis-je vraiment bi ? Est-ce que je mens ? »), une difficulté à s’accepter et une réticence à faire son coming-out, même à soi-même. La biphobie internalisée est une barrière majeure à l’épanouissement personnel et peut conduire à l’auto-sabotage dans les relations amoureuses, par peur de correspondre aux stéréotypes ou par manque de confiance en la légitimité de ses propres sentiments.

La pression de « faire un choix » et de se ranger dans une case

La société a un profond besoin de catégorisation. La bisexualité, par sa nature même qui défie la binarité des orientations (soit hétéro, soit homo), dérange ce système. Par conséquent, les personnes bisexuelles subissent une pression constante, explicite ou implicite, pour « choisir un camp ». On leur demande sans cesse : « Mais au final, tu préfères les hommes ou les femmes ? ». Cette question part du postulat erroné que la bisexualité est un état transitoire vers une « vraie » orientation monosexuelle. Cette pression est épuisante. Elle nie la fluidité et la richesse de l’attirance pour plusieurs genres. Elle force les individus à justifier perpétuellement leur existence et à se conformer à des cases qui ne leur correspondent pas, créant un stress identitaire chronique et un sentiment d’illégitimité.

L’effacement selon le genre du partenaire

Un mécanisme courant d’invalidation consiste à redéfinir l’orientation d’une personne bisexuelle en fonction du genre de son ou sa partenaire actuel.le. Si une femme bi est en couple avec un homme, elle sera perçue et traitée comme hétérosexuelle. Son identité bi sera effacée, et on lui dira qu’elle « a finalement choisi le côté hétéro ». Inversement, si elle est en couple avec une femme, elle sera soudainement étiquetée comme lesbienne, et son passé ou son attirance pour les hommes sera nié ou qualifié de « phase ». Cet effacement est une violence symbolique. Il nie la permanence et l’authenticité de l’identité bisexuelle, la réduisant à une performance visible en fonction du partenaire du moment. La personne cesse d’être reconnue pour ce qu’elle est, son identité devient contingente et situationnelle.

Les préjugés spécifiques envers les hommes bisexuels

Si la biphobie touche toutes les personnes bi, les hommes bisexuels font face à des stéréotypes particulièrement virulents et toxiques, deeply enracinés dans la masculinité toxique et l’homophobie. Premièrement, leur bisexualité est encore plus fréquemment niée que celle des femmes, souvent sexualisée et considérée comme « sexy » dans un contexte fétichiste. Un homme bi doit composer avec le mythe selon lequel il n’existe pas vraiment, ou qu’il est forcément gay et dans le placard. Deuxièmement, ils sont confrontés à un stigma supplémentaire lié aux IST, notamment au VIH, étant injustement perçus comme des « vecteurs de maladie » entre la communauté gay et hétéro. Cette stigmatisation a des conséquences graves sur leur santé mentale et leur accès aux soins, les décourageant souvent de se faire dépister ou de parler ouvertement de leur sexualité avec des professionnels de santé.

Les mythes sur la bisexualité et la pédophilie ou la propagation des IST

Deux mythes anciens et complètement infondés continuent de causer des torts considérables. Le premier est l’association grotesque entre bisexualité et pédophilie, un vestige de vieilles théories psychologiques désormais complètement discréditées. Il n’existe absolument aucun lien entre une orientation sexuelle consentante entre adultes et la pédophilie, qui est une pathologie et un crime. Le second mythe, évoqué précédemment, est celui de « l’agent de transmission ». Les personnes bisexuelles, et particulièrement les hommes, sont faussement accusées d’être des « ponts » qui propagent les IST (comme le VIH) de la communauté gay vers la communauté hétérosexuelle. Ce discours est non seulement stigmatisant, mais il est aussi épidémiologiquement simpliste et dangereux. Il déplace la responsabilité de la prévention sur un groupe entier plutôt que de la centrer sur les comportements individuels et l’accès aux outils de protection pour tous, indépendamment de l’orientation.

La biphobie au sein même de la communauté LGBTQIA+

L’une des expériences les plus douloureuses pour une personne bisexuelle est de subir des discriminations de la part de la communauté qui est censée lui offrir un refuge. La biphobie intra-communautaire est malheureusement une réalité. Elle se manifeste par des remarques comme « Les bi ne sont pas vraiment des nôtres, ils ont un pied dehors », « Ils profitent des privilèges hétéros quand ça les arrange », ou par l’exclusion pure et simple des espaces et discussions LGBTQIA+. Les personnes bi sont souvent accusées de ne pas être assez militantes, ou leur coming-out est accueilli avec scepticisme. Cette méfiance et ce rejet créent un profond sentiment d’isolement et de marginalisation, même au sein d’un groupe qui comprend pourtant lui-même la marginalisation. Cela peut les empêcher d’accéder à un soutien essentiel et renforcer leur sentiment de ne appartenir nulle part.

L’impact psychologique profond de la biphobie sur la santé mentale

La combinaison de tous ces facteurs – invisibilisation, stigmatisation, pression, rejet – a un impact dévastateur et documenté sur la santé mentale des personnes bisexuelles. Les études sont formelles : comparées aux personnes hétérosexuelles, mais aussi souvent comparées aux personnes homosexuelles ou lesbiennes, les personnes bisexuelles présentent des taux significativement plus élevés de troubles anxieux, de dépression, de tentatives de suicide et de consommation de substances pour y faire face. Le « stress minoritaire » – le stress chronique lié à la stigmatisation et à la discrimination – est particulièrement aigu dans leur cas en raison de cette double pression, venant à la fois de la société hétéronormative et d’une partie de la communauté LGBTQIA+. Le manque de reconnaissance et de validation, l’impossibilité de trouver un lieu d’appartenance sûr, et la nécessité constante de justifier son existence sont des fardeaux psychologiques lourds à porter, qui soulignent l’urgence de lutter contre la biphobie sous toutes ses formes.

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