Que dit la science à propos de posture et humeur ?

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Vous est-il déjà arrivé de vous sentir instantanément mieux après avoir redressé le dos et pris une grande inspiration ? Ou, à l’inverse, de vous sentir submergé par une vague de morosité après avoir passé des heures affalé sur votre canapé ? Ce lien entre notre posture et notre état d’esprit n’est pas qu’une simple impression. Il s’agit d’un phénomène fascinant et puissant, étudié de près par les neurosciences et la psychologie. La science a désormais des réponses concrètes sur la manière dont notre corps dialogue avec notre cerveau pour influencer nos émotions, notre confiance et même notre résistance au stress. Plongeons dans les recherches pour découvrir comment se tenir droit peut littéralement nous aider à voir la vie du bon côté.

📚 Table des matières

Femme assise en tailleur, le dos droit, regardant par la fenêtre avec sérénité

La théorie de l’incarnation : le corps ne ment pas

Pour comprendre le lien scientifique entre posture et humeur, il faut d’abord se familiariser avec la cognition incarnée (embodied cognition). Cette théorie, centrale en psychologie cognitive, postule que nos processus mentaux (pensées, émotions, décisions) sont profondément influencés par les sensations et les mouvements de notre corps. Notre esprit n’est pas une entité déconnectée ; il est ancré dans notre enveloppe charnelle. Des recherches pionnières ont démontré ce phénomène de manière frappante. Par exemple, une étude a montré que tenir une tasse de café chaud conduit les participants à percevoir une personne comme ayant une personnalité plus « chaude » et accueillante que ceux qui tenaient un café glacé. De la même manière, le simple fait de hocher la tête (geste d’approbation) ou de la secouer (geste de désapprobation) en écoutant un message influence subtilement notre adhésion à ce message. La posture fait partie intégrante de ce système. Adopter une position recroquevillée, typique de la tristesse ou de la défense, envoie des signaux proprioceptifs et kinesthésiques au cerveau qui renforcent et maintiennent cet état émotionnel négatif. Inversement, une posture expansive et ouverte envoie des signaux de confiance et de contrôle qui modulent positivement l’humeur. Le corps ne fait pas que exprimer l’émotion ; il la crée et la régule activement.

La puissance de la posture de pouvoir : les enseignements d’Amy Cuddy

La psychologue sociale Amy Cuddy et son équipe de l’Université Harvard ont propulsé ce concept sur le devant de la scène avec leurs célèbres recherches sur les « postures de pouvoir » (power posing). Leur expérience, devenue mythique, a consisté à demander à des participants d’adopter pendant deux minutes seulement soit des postures de haute puissance (debout, mains sur les hanches, pieds écartés comme une super-héros ; ou assis, les mains derrière la tête, les coudes écartés et les pieds sur un bureau), soit des postures de faible puissance (assis, épaules voûtées, jambes croisées, prenant le moins de place possible). Les résultats, mesurés par des prélèvements salivaires et des questionnaires, ont été édifiants. Les participants en posture de puissance ont connu une augmentation significative de la testostérone (une hormone liée à la confiance et à la dominance) et une diminution notable du cortisol (l’hormone du stress). Ceux en posture de faible puissance ont montré le schéma inverse. Non seulement leur chimie interne a changé, mais ils se sont également déclarés beaucoup plus confiants et disposés à prendre des risques dans un jeu ultérieur. Cette étude démontre qu’il ne faut pas attendre de se sentir puissant pour adopter la posture correspondante ; c’est l’adoption de la posture qui, en modifiant notre neurochimie, génère le sentiment de puissance. C’est un outil d’auto-influence extrêmement puissant et accessible à tous.

Posture, dépression et douleur chronique : le cercle vicieux

La relation bidirectionnelle entre le corps et l’esprit est particulièrement visible et problématique dans les cas de troubles de l’humeur comme la dépression. Une posture affaissée, les épaules enroulées vers l’avant, le regard baissé et la poitrine fermée est un marqueur comportemental classique de la dépression. Pendant des décennies, la science a considéré cette posture comme une simple conséquence de la maladie. Aujourd’hui, les preuves s’accumulent pour suggérer qu’elle en est aussi un maintien actif. Rester dans cette position fermée limite la capacité respiratoire, réduisant potentiellement l’oxygénation du cerveau. Elle renvoie en permanence au système nerveux central des signaux de défaite et de soumission, ce qui exacerbe les sentiments d’impuissance et de tristesse. De plus, cette posture crée souvent des tensions musculaires au niveau du cou, du dos et des épaules, entraînant des douleurs physiques qui, à leur tour, alimentent le mal-être psychologique. Un cercle vicieux s’installe : la dépression aggrave la posture, et la mauvaise posture aggrave la dépression. Le même schéma est observé chez les personnes souffrant de douleurs chroniques, où la posture antalgique (adoptée pour éviter la douleur) finit par créer de nouvelles tensions et impacter négativement l’humeur. Briser ce cycle par une rééducation posturale peut donc être une composante précieuse d’une approche thérapeutique holistique.

La biochimie de la posture : testostérone, cortisol et endorphines

Comment une simple modification de la position du corps peut-elle avoir un effet aussi rapide et profond sur notre état mental ? La réponse se niche dans notre système endocrinien. Comme l’ont montré les travaux de Cuddy, la posture influence directement la sécrétion d’hormones clés. Une posture expansive et droite stimule une légère augmentation de la testostérone. Contrairement aux idées reçues, cette hormone n’est pas seulement liée à l’agressivité ; elle est cruciale pour le sentiment de confiance en soi, la motivation et la volonté de relever des défis. Simultanément, cette même posture provoque une baisse du cortisol. Un taux de cortisol chroniquement élevé est associé à l’anxiété, aux troubles du sommeil, à l’affaiblissement du système immunitaire et à des difficultés de concentration. En réduisant le cortisol, une bonne posture nous aide donc à mieux gérer le stress. Enfin, le fait de se redresser et d’ouvrir la cage thoracique améliore la respiration diaphragmatique. Une respiration plus profonde et plus efficace oxygène mieux le sang, favorise la relaxation et pourrait stimuler la libération d’endorphines, les neurotransmetteurs du bien-être. Ainsi, en adoptant une posture optimale, nous orchestrons nous-mêmes un cocktail hormonal bénéfique pour notre résilience et notre humeur.

Posture, mémoire et cognition : comment le corps influence l’esprit

L’impact de la posture ne se limite pas aux émotions ; il s’étend également à nos fonctions cognitives supérieures, comme la mémoire et la prise de décision. Des études intrigantes ont mis en lumière ce lien. Par exemple, des chercheurs ont demandé à des participants de se remémorer soit des souvenirs positifs, soit des souvenirs négatifs. De manière tout à fait inconsciente, les participants avaient tendance à se pencher légèrement en arrière et à redresser le dos lorsqu’ils évoquaient des souvenirs positifs et puissants. À l’inverse, ils s’affaissaient vers l’avant et courbaient le dos pour se souvenir d’événements tristes et impuissants. Plus impressionnant encore : le fait d’imposer une posture droite aux participants lors du rappel de souvenirs négatifs rendait ces souvenirs moins vivaces, moins intenses et moins négatifs. La posture agit comme une clé d’accès à notre banque de mémoire émotionnelle. De même, une posture affaissée est corrélée avec une plus grande facilité à se rappeler des mots à connotation négative (comme « échec » ou « tristesse ») et avec une perception plus pessimiste de l’avenir. Se tenir droit semble donc non seulement nous rendre plus confiants sur le moment présent, mais aussi colorer nos souvenirs du passé et nos projections dans le futur sous un jour plus positif, influençant profondément notre narrative personnel.

Applications pratiques : rééduquer sa posture pour booster son humeur

Connaître la théorie est une chose, l’appliquer en est une autre. Heureusement, intégrer la science de la posture dans sa vie quotidienne est simple et ne demande que quelques minutes par jour. Voici des stratégies fondées sur des preuves : Commencez par des séances de « power posing » conscientes. Deux minutes le matin devant la salle de bain, porte close, peuvent suffire à recalibrer votre état neurochimique pour la journée. Adoptez la posture Wonder Woman ou Superman. Ensuite, ergonomisez votre espace de travail. Un écran surélevé à hauteur des yeux et une chaise qui soutient le bas du dos vous incitent naturellement à vous tenir droit, évitant la lente dégradation posturale et l’humeur qui l’accompagne. Troisièmement, pratiquez une activité physique qui renforce le dos comme la natation, le yoga (notamment les postures de guerrier et de cobra), le Pilates ou simplement des exercices de rowing avec des élastiques. Des muscles dorsaux forts sont le pilier mécanique d’une bonne posture. Quatrièmement, cultivez la pleine conscience corporelle. Programmez des alarmes ponctuelles dans la journée pour faire un scan de votre corps : « Mes épaules sont-elles remontées vers mes oreilles ? Mon menton est-il avancé ? Mon dos est-il voûté ? » Ce simple rappel permet de corriger le tir. Enfin, respirez avec intention. Prenez cinq grandes inspirations en ouvrant largement les bras sur les côtés à chaque fois. Ce mouvement brise immédiatement la posture fermée et inonde le corps d’oxygène. En faisant de ces pratiques une habitude, vous utilisez activement le pouvoir de votre corps pour construire une humeur plus positive et résiliente.

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