Les mythes sur cyberdépendance démystifiés

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La cyberdépendance est un sujet qui suscite de nombreuses idées reçues. Entre exagérations médiatiques et méconnaissance scientifique, il est difficile de démêler le vrai du faux. Cet article se propose de déconstruire les mythes les plus répandus sur cette addiction moderne, en s’appuyant sur des études récentes et des témoignages d’experts.

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mythes sur cyberdépendance démystifiés

« Trop de temps en ligne = cyberdépendance »

L’un des mythes les plus répandus consiste à assimiler un temps d’écran élevé à une addiction. Pourtant, selon le Dr. Laurent Karila, psychiatre spécialisé en addictologie, « la quantité ne définit pas l’addiction ». La cyberdépendance se caractérise plutôt par une perte de contrôle, une souffrance psychique et des répercussions sur la vie sociale ou professionnelle. Un étudiant qui passe 8 heures par jour sur son ordinateur pour ses recherches n’est pas nécessairement dépendant, contrairement à quelqu’un qui ne peut s’empêcher de consulter compulsivement les réseaux sociaux au point de négliger ses obligations.

Des critères diagnostiques précis existent, notamment dans le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Parmi eux : l’incapacité à réduire son usage malgré la volonté de le faire, le mensonge sur le temps passé en ligne, ou encore l’utilisation d’Internet comme échappatoire à des problèmes personnels. Une étude de l’Université de Montréal (2022) montre que seulement 3 à 5% des gros utilisateurs répondent aux critères de dépendance.

« Seuls les jeunes sont concernés »

Si les adolescents sont souvent montrés du doigt, la cyberdépendance touche toutes les tranches d’âge. Une enquête de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) révèle que 15% des 45-60 ans présentent des signes d’usage problématique d’Internet. Les formes diffèrent : jeux en ligne pour les plus jeunes, achats compulsifs ou dépendance aux réseaux sociaux chez les adultes.

Le phénomène des « silver surfers » (seniors accros au numérique) prend de l’ampleur. Le confinement a accéléré cette tendance, avec une augmentation de 40% du temps d’écran chez les plus de 65 ans selon Santé Publique France. Des cas de retraités passant jusqu’à 14 heures par jour sur des jeux comme Candy Crush ou des plateformes de paris en ligne ont été documentés par des centres d’addictologie.

« Les jeux vidéo sont la principale cause »

Bien que les jeux vidéo fassent souvent la une, ils ne représentent qu’une facette du problème. La cyberdépendance englobe divers comportements :

  • Dépendance aux réseaux sociaux (validation sociale, FOMO – Fear Of Missing Out)
  • Cybersexualité (pornographie, sites de rencontres)
  • Achats compulsifs en ligne
  • Surinformation (actualités, forums)
  • Jeux d’argent en ligne

Une méta-analyse publiée dans « Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking » (2023) indique que les réseaux sociaux génèrent plus de symptômes addictifs que les jeux chez les 18-35 ans. Des plateformes comme TikTok ou Instagram exploitent délibérément des mécanismes neurologiques de récompense, similaires à ceux des machines à sous.

« C’est moins grave qu’une addiction aux substances »

Cette croyance minimise les conséquences réelles de la cyberdépendance. Sur le plan neurologique, des études d’imagerie cérébrale montrent que les addictions comportementales activent les mêmes circuits de récompense (système dopaminergique) que les drogues. Les impacts peuvent être tout aussi dévastateurs :

  • Désocialisation progressive
  • Troubles du sommeil (lumière bleue, hyperstimulation)
  • Problèmes posturaux et visuels
  • Dépression et anxiété sociale
  • Endettement (pour les achats compulsifs ou jeux d’argent)

Le Dr. Bruno Rocher, psychiatre au CHU de Nantes, rapporte des cas extrêmes : patients ayant perdu leur emploi à force d’être absents, étudiants ayant raté leur année universitaire, ou encore des ruptures conjugales dues à une addiction aux chats en ligne.

« Une déconnexion totale guérit tout »

L’idée qu’il suffirait de « débrancher » pour résoudre le problème est simpliste. Comme pour toute addiction, l’abstinence radicale n’est pas toujours la solution, surtout dans un monde où le numérique est omniprésent. Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) privilégient plutôt :

  • La réduction des usages problématiques (pas nécessairement leur suppression)
  • L’identification des déclencheurs (ennui, stress, solitude…)
  • Le développement d’activités alternatives
  • La restauration des relations sociales « en présentiel »

Des applications comme « Digital Detox » ou « Freedom » peuvent aider, mais doivent s’inscrire dans une démarche globale. Certains centres, comme le Capio Clinique du Château à Garches, proposent des programmes spécifiques combinant psychothérapie et ateliers pour réapprendre à utiliser les technologies de manière équilibrée.

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