Mythes et réalités à propos de orientation professionnelle

by

in

📚 Table des matières

Mythes et réalités à

Choisir une voie professionnelle est l’une des décisions les plus anxiogènes de la vie. Elle est entourée d’un brouillard d’idées reçues, de conseils bien intentionnés mais souvent erronés, et de pressions sociales qui peuvent mener à l’immobilisme ou à des choix regrettables. Ces mythes, profondément ancrés dans notre culture, créent une vision déformée et statique du monde du travail et du parcours de vie. Ils génèrent une pression immense, laissant croire que l’on ne dispose que d’une seule chance, que l’erreur n’est pas permise et que le succès dépend du choix d’une case prédéfinie. Il est temps de dissiper ces illusions pour aborder l’orientation professionnelle avec plus de sérénité, de lucidité et de flexibilité. Démêlons le vrai du faux pour transformer cette anxiété en une aventure de découverte de soi et d’opportunités.

Mythe n°1 : Une orientation réussie mène à un métier pour la vie

Ce mythe est l’un des plus tenaces et des plus néfastes. Il provient d’une époque révolue, celle de nos parents ou grands-parents, où l’on entrait dans une entreprise ou une administration à 20 ans pour en partir à 60 ans avec une retraite. Le monde du travail du XXIe siècle n’a plus rien à voir. La réalité est que la carrière linéaire est une exception. Selon une étude de l’APEC, un cadre changera en moyenne de 3 à 4 fois d’employeur au cours de sa carrière et connaîtra plusieurs transitions professionnelles majeures. Le concept de « job for life » a été remplacé par celui de « portfolio career » ou carrière en portefeuille, où l’on accumule des expériences variées, parfois simultanément. La réalité est que l’orientation est un processus continu, une compétence à développer tout au long de la vie. Il ne s’agit plus de trouver LA bonne case, mais d’apprendre à naviguer entre les cases, à en créer de nouvelles, et à rebondir constamment. La sécurité n’est plus dans le poste lui-même, mais dans sa capacité à s’adapter, à apprendre et à se réinventer.

Mythe n°2 : Il existe un test magique qui révèle « LE » métier parfait

Combien de personnes ont rempli un questionnaire d’orientation en espérant qu’il leur dévoilerait, comme un oracle, leur destinée professionnelle inscrite en lettres capitales ? Les tests psychométriques (comme le RIASEC de Holland) sont des outils précieux, mais ils sont trop souvent fétichisés. Leur fonction n’est pas de donner une réponse définitive, mais de fournir des indices, des pistes de réflexion et un langage pour comprendre ses préférences. Un test peut vous dire que vous avez un profil « Investigatif et Artistique », mais il ne peut pas trancher entre devenir architecte, designer UX, chercheur en neurosciences ou réalisateur de documentaires. La réalité est que ces tests sont des instantanés qui capturent vos préférences à un moment T, influencées par votre humeur, votre environnement et votre connaissance limitée du monde professionnel. Ils doivent être utilisés comme un point de départ pour une enquête approfondie sur soi-même (ses valeurs, ses forces, ses moteurs) et sur les métiers (rencontres, stages, interviews). Le « métier parfait » est une construction dynamique, le résultat d’un alignement progressif entre qui vous êtes et ce que vous faites, et non une prédiction statique.

Mythe n°3 : Il faut suivre sa passion, le reste suivra

Le conseil « Follow your passion » est un mantra séduisant mais potentiellement dangereux. Il place la passion comme un prérequis à l’action, alors qu’elle est bien souvent une conséquence. La psychologue Carol Dweck, avec sa théorie des mindset, et Angela Duckworth, avec ses travaux sur la grit (la combinaison de passion et de persévérance), montrent que la passion se construit. On commence souvent par être compétent dans un domaine, on obtient de la reconnaissance, ce qui renforce notre intérêt et notre engagement, jusqu’à ce que cela devienne une passion. Se lancer tête baissée dans un secteur par passion sans évaluer la réalité du marché, les compétences requises ou la viabilité économique peut mener à la désillusion. La réalité est plus nuancée : il s’agit de trouver le point de convergence entre ce qui vous passionne (vos intérêts), ce pour quoi vous êtes doué (vos compétences), et ce pour quoi on veut vous payer (les besoins du marché). Parfois, il est plus judicieux de laisser sa passion en hobby épanouissant et de choisir un métier qui valorise ses compétences fondamentales tout en offrant un équilibre de vie satisfaisant.

Mythe n°4 : L’orientation est une décision purement rationnelle

Cette croyance pousse à dresser d’interminables listes d’avantages et d’inconvénients, à comparer des salaires de sortie d’écoles et des taux d’insertion professionnelle, en occultant complètement la dimension émotionnelle et inconsciente du choix. Les neurosciences affectives nous enseignent que la raison et l’émotion sont inextricablement liées dans la prise de décision. Antonio Damasio a montré que des patients avec des lésions dans les zones cérébrales liées aux émotions devenaient incapables de prendre les décisions les plus simples. Vos choix professionnels sont influencés par votre histoire familiale (le désir de reproduire ou, au contraire, de fuir le modèle parental), vos blessures narcissiques, vos peurs (de l’échec, du jugement, de l’inconnu) et vos désirs les plus profonds. Ignorer cette dimension, c’est se condamner à faire un choix qui « a l’air bien sur le papier » mais qui ne vous ressemble pas et ne vous nourrit pas intérieurement. La réalité est qu’une orientation réussie intègre à la fois une analyse rationnelle du marché et une plongée introspective pour comprendre les drivers émotionnels qui vous animent.

Mythe n°5 : Se réorienter est un échec

La stigmatisation de la réorientation est une source majeure de souffrance et de persévérance erreur. Elle est perçue comme un aveu d’échec, un gaspillage de temps et d’argent, un signe d’inconstance. Cette vision est catastrophiste et contre-productive. En psychologie, on parle plutôt d’ »ajustement de parcours » ou d’ »itération ». Chaque expérience, même celle qui semble être une « impasse », vous apprend quelque chose sur vous-même, sur ce que vous aimez ou n’aimez pas, sur vos limites et vos talents. Les compétences sont de plus en plus transférables. Un commercial qui devient formateur utilise son sens de la pédagogie et sa connaissance de l’humain. Un ingénieur qui se tourne vers la psychologie du travail cultive son analyse systémique et sa rigueur méthodologique. La réalité est que se réorienter est un signe de courage, d’honnêteté envers soi-même et d’agilité mentale. Dans un monde en constante mutation, la capacité à pivoter (to pivot) est devenue une compétence clé bien plus valorisée que l’entêtement dans une voie qui ne vous convient plus.

Mythe n°6 : Le marché du travail dicte entièrement le choix

À l’opposé du « suis ta passion », ce mythe conseille de choisir uniquement en fonction des métiers « porteurs » ou « d’avenir », quitte à étouffer ses aspirations personnelles. S’il est crucial d’avoir une compréhension réaliste du marché, en faire le seul facteur décisionnel est une erreur. Premièrement, les prévisions économiques sont notoirement difficiles et changeantes. Un secteur en plein boom aujourd’hui peut être saturé dans 5 ans, le temps de votre formation. Deuxièmement, même dans un secteur bouché, les talents qui excellent et qui sont passionnés trouvent toujours leur place. Ils font la différence par leur créativité et leur motivation. Troisièmement, l’économie évolue et crée en permanence de nouveaux métiers qui n’existaient pas auparavant (influenceur wellness, expert en cybersécurité, chief happiness officer). La réalité est une stratégie d’adaptation : choisir un domaine ou un ensemble de compétences fondamentales qui vous intéressent et qui ont une certaine pertinence économique, puis développer en son sein une spécialité, une niche ou une expertise unique qui vous permettra de vous démarquer, quel que soit l’état du marché.

Mythe n°7 : L’orientation ne concerne que les jeunes

Cette idée réduit l’orientation professionnelle à un simple rite de passage adolescent, un choix ponctuel à l’issue des études. C’est une vision profondément réductrice. La psychologie du développement, avec les théories des cycles de vie de chercheurs comme Donald Super, montre que la carrière est jalonnée de phases de réévaluation et de transition (début de carrière, milieu de carrière, maturité, préretraite). La quarantaine, souvent marquée par la crise dite « du milieu de vie », est une période où l’on remet fréquemment en question ses choix professionnels à l’aune de ses valeurs et du temps qu’il nous reste à vivre. De plus, l’allongement de la durée de la vie active et les transformations digitales constantes obligent les quinquagénaires et sexagénaires à se réorienter et à se former continuellement. La réalité est que l’orientation est un processus lifespan, qui nous concerne de 16 à 65 ans et au-delà. C’est un muscle à entretenir tout au long de sa vie professionnelle pour rester aligné avec ses aspirations profondes, qui évoluent elles aussi avec l’âge et les expériences de vie.

En conclusion, se libérer de ces mythes permet d’aborder son parcours professionnel avec une tout autre philosophie. Il ne s’agit plus d’une quête anxiogène pour trouver la réponse parfaite et unique, mais d’un voyage continu d’exploration, d’expérimentation et d’adaptation. La clé n’est pas dans un test ou dans les pronostics économiques, mais dans une connaissance de soi approfondie et honnête, couplée à une curiosité active pour le monde qui vous entoure. Votre carrière n’est pas une ligne droite tracée à 18 ans ; c’est une toile que vous tissez au fil des expériences, des rencontres et des apprentissages. Acceptez l’idée de l’itération, faites la paix avec les détours, et voyez chaque étape, même celles qui semblent être des « erreurs », comme une data précieuse pour affiner votre route. Votre orientation est une histoire que vous écrivez vous-même, chapitre après chapitre, et non un destin scellé.

Voir plus d’articles sur la psychologie


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *