L’asexualité est une orientation sexuelle méconnue et souvent mal comprise, caractérisée par une absence d’attirance sexuelle envers autrui. Contrairement à une idée reçue persistante, il ne s’agit ni d’un trouble médical, ni d’un choix, ni d’une conséquence d’un traumatisme. C’est une identité sexuelle à part entière, aussi valide et légitime que l’hétérosexualité ou l’homosexualité. Le titre de cet article, « Comment prévenir l’asexualité dans votre entourage », appelle donc à une analyse et une reformulation cruciales. Il véhicule une prémisse profondément problématique et erronée : celle que l’asexualité serait une condition négative, une pathologie ou un dysfonctionnement à éviter ou à « guérir ». Cette perspective est non seulement incorrecte mais aussi potentiellement très nocive.
Notre objectif ici n’est donc pas de « prévenir » une orientation sexuelle innée, ce qui serait impossible et profondément stigmatisant, mais de prévenir la discrimination, l’invalidation et la maltraitance psychologique que subissent trop souvent les personnes asexuelles (ou « aces ») de la part d’un entourage ignorant ou malveillant. Il s’agit d’apprendre à créer un environnement sûr, inclusif et respectueux où chaque individu, quelle que soit son identité, peut s’épanouir sans craindre le jugement ou la pression de se conformer à des normes allosexuelles (éprouvant de l’attirance sexuelle). Préparons-nous à déconstruire les mythes et à adopter les bons réflexes pour véritablement soutenir nos proches.
📚 Table des matières
- ✅ Comprendre et déconstruire ses propres préjugés sur l’asexualité
- ✅ Adopter une communication bienveillante et ouverte
- ✅ Respecter l’autonomie corporelle et les limites
- ✅ Valider l’expérience et les émotions sans les remettre en cause
- ✅ Soutenir face à la pression sociale et familiale
- ✅ Éduquer son entourage élargi et devenir un allié actif
- ✅ Reconnaître les signes de détresse et orienter vers un soutien adapté
Comprendre et déconstruire ses propres préjugés sur l’asexualité
La première étape, fondamentale, pour prévenir les comportements nocifs envers une personne asexuelle est un travail introspectif sur ses propres croyances. Notre société est saturée de messages qui placent la sexualité au centre de l’identité, du bonheur et même de la santé d’un individu. Cette norme, appelée « allonormativité » ou « sexonormativité », est si omniprésente qu’elle devient invisible, et nous intériorisons tous, à des degrés divers, l’idée que ne pas ressentir d’attirance sexuelle est anormal.
Prenez le temps de vous interroger sur les idées reçues que vous pourriez avoir. Par exemple, pensez-vous qu’une vie sans sexe est nécessairement triste, incomplète ou solitaire ? Croyez-vous qu’une personne asexuelle a forcément subi un trauma ou souffre d’un trouble hormonal ? Ces préjugés sont non seulement faux mais aussi extrêmement blessants. L’asexualité n’est pas une maladie ; c’est une variation naturelle de la sexualité humaine, estimée concerner environ 1% de la population. Les personnes asexuelles peuvent mener des vies parfaitement épanouissantes, riches en amour romantique (pour les personnes aromantiques ou non), en amitiés profondes, en passions et en réalisations personnelles. Leur bonheur n’est pas conditionné par l’activité sexuelle. Déconstruire ces mythes en vous est le pilier le plus solide pour construire une relation saine avec votre proche.
Adopter une communication bienveillante et ouverte
La manière dont vous communiquez peut soit construire un pont de confiance, soit ériger un mur d’incompréhension. La clé réside dans l’écoute active, la curiosité bienveillante et l’absence de jugement. Si votre proche vous fait son coming out en tant que personne asexuelle, votre réaction initiale est primordiale. Évitez à tout prix les phrases qui invalident son expérience comme « Tu es trop jeune pour le savoir », « Tu n’as juste pas rencontré la bonne personne » ou « C’est sûrement une phase ».
Privilégiez des formulations qui valident et soutiennent : « Merci de me faire confiance et de me partager ça », « Je suis là pour toi. Veux-tu m’en dire plus sur ce que tu ressens ? », « Comment puis-je mieux te soutenir ? ». N’oubliez pas que vous n’êtes pas en droit d’exiger des détails intimes sur sa vie sexuelle (ou son absence de vie sexuelle). Laissez-la guider la conversation et partager seulement ce avec quoi elle est à l’aise. Posez des questions ouvertes et respectueuses si vous ne comprenez pas, plutôt que de faire des suppositions. Une communication saine signifie aussi d’accepter que vous ne comprendrez peut-être jamais parfaitement une expérience qui n’est pas la vôtre, et que c’est okay. L’important n’est pas la compréhension parfaite, mais le respect inconditionnel.
Respecter l’autonomie corporelle et les limites
Dans une culture obsédée par la séduction et le sexe, le corps des individus est souvent considéré comme un objet de désir public. Les personnes asexuelles peuvent être particulièrement vulnérables à ce genre de violations, car leur manque d’intérêt pour le sexe est perçu comme un défi ou une invitation à « les convaincre ». Il est absolument crucial de respecter leur autonomie corporelle et les limites qu’elles établissent.
Cela se manifeste dans des gestes quotidiens : éviter les contacts physiques non désirés (comme des câlins forcés), ne pas insister pour qu’une personne « aille draguer » en soirée, et surtout, arrêter immédiatement toute avance romantique ou sexuelle si elle exprime son désintérêt. Ne jamais sous-entendre qu’elle « devrait au moins essayer » ou que « ça viendra avec le temps ». Ce comportement est non seulement irrespectueux mais peut aussi être vécu comme une agression. Le consentement est roi, et un « non » ou un « je ne suis pas intéressé.e » doit toujours être pris au sérieux et respecté sans discussion, sans négociation et sans tentative de persuasion. Reconnaître et honorer ces limites est une preuve d’amour et de respect bien plus forte que n’importe quelle déclaration.
Valider l’expérience et les émotions sans les remettre en cause
L’invalidation est l’une des blessures les plus courantes infligées aux personnes asexuelles. Elle peut être directe (« Ce n’est pas possible ») ou plus subtile, prenant la forme de « plaintes » comme « Quel dommage, tu rates le meilleur de la vie » ou de questions incessantes sur les raisons de leur asexualité, sous-entendant qu’il doit y avoir une cause à « réparer ». Votre rôle est de faire exactement l’inverse : valider.
La validation émotionnelle consiste à reconnaître et à accepter les sentiments et l’expérience de l’autre comme réels et légitimes, même s’ils diffèrent des vôtres. Cela ne signifie pas que vous devez forcément comprendre, mais que vous acceptez que c’est vrai pour eux. Dites des choses comme : « Je vois que c’est difficile pour toi en ce moment face à l’incompréhension de la famille », « Ton identité est valide et je te crois », ou simplement « Je suis désolé que tu aies à traverser ça ». Cette validation est un baume sur les micro-aggressions constantes auxquelles elles font face. Elle leur envoie le message puissant qu’elles ne sont pas cassées, qu’elles n’ont pas besoin d’être fixées, et que leur manière d’être au monde est parfaitement acceptable.
Soutenir face à la pression sociale et familiale
La pression pour se conformer aux attentes sociales est immense. Pour une personne asexuelle, cela peut se traduire par des questions incessantes et intrusives de la part de la famille (« Quand est-ce que tu nous présentes un petit ami/une petite amie ? », « Quand est-ce que tu nous fais des petits-enfants ? »), des moqueries de la part des pairs (« T’es frigide ? », « T’as un problème ? »), ou une exclusion sociale subtile parce qu’elles ne participent pas aux conversations sur les conquêtes amoureuses. En tant qu’allié, vous pouvez être un bouclier contre cette pression.
Vous pouvez, avec sa permission bien sûr, intervenir pour rediriger les conversations gênantes. Si un oncle demande pour la énième fois quand elle se mariera, vous pouvez répondre : « On profite juste du moment présent en famille, ce n’est pas le sujet ! ». Vous pouvez aussi lui offrir un espace sûr pour ventiler sa frustration après un repas de famille éprouvant. Le plus important est de ne jamais vous joindre à la pression. Ne relayez pas vous-même les demandes de vos parents pour avoir des petits-enfants. Montrez-lui par vos actions que votre affection et votre estime pour elle ne sont pas conditionnées par sa capacité à répondre à des attentes hétéronormatives et allonormatives. Soyez son havre de paix dans un monde qui lui demande constamment de justifier son existence.
Éduquer son entourage élargi et devenir un allié actif
Le soutien passif est bien, mais l’allié actif est bien mieux. Cela signifie ne pas seulement offrir un soutien en privé, mais aussi prendre la parole pour corriger les idées fausses et défendre votre proche en son absence. Si vous entendez des blagues stigmatisantes sur l’asexualité ou des commentaires invalidants lors d’une conversation de groupe, intervenez calmement mais fermement.
Vous n’avez pas besoin de divulguer l’identité de votre proche. Vous pouvez dire : « En fait, j’ai lu que l’asexualité est une orientation sexuelle reconnue, ce n’est pas une maladie », ou « Ce genre de blague peut être vraiment blessante pour les personnes concernées ». En faisant cela, vous participez à créer un environnement global plus sûr et plus informé. Partagez des ressources fiables (articles, podcasts, vidéos de créateurs de contenu asexuels) sur vos réseaux sociaux pour sensibiliser discrètement votre cercle. Montrez que le sujet vous tient à cœur et que vous vous engagez à lutter contre la désinformation. Votre voix, en tant que personne allosexuelle, peut parfois avoir plus de poids et être mieux entendue que celle des personnes directement concernées, souvent accusées de « trop en faire » ou d’être « trop sensibles ». Utilisez ce privilège à bon escient.
Reconnaître les signes de détresse et orienter vers un soutien adapté
Malgré un entourage aimant, vivre dans un monde qui ne vous reconnaît pas peut peser lourd sur la santé mentale. Les personnes asexuelles présentent des taux plus élevés d’anxiété, de dépression et de sentiment d’isolement, non pas à cause de leur asexualité en elle-même, mais à cause de la discrimination et de l’invalidation qu’elles subissent (phénomène de stress minoritaire). En tant que proche, soyez attentif aux signes de détresse : repli sur soi, irritabilité, tristesse persistante, perte d’intérêt pour les activités habituelles, propos auto-dévalorisants.
Si vous remarquez ces signes, approchez-la avec bienveillance. Exprimez votre inquiétude sans jugement (« J’ai remarqué que tu avais l’air trise ces temps-ci, est-ce que tout va bien ? ») et offrez votre écoute. Surtout, soyez prêt à l’orienter vers un soutien professionnel si nécessaire. La difficulté ici est de trouver des thérapeutes compétents et informés sur les questions LGBTQIA+, qui ne chercheront pas à « guérir » son asexualité. Aidez-la à rechercher des professionnels affirmatifs, peut-être en vous renseignant sur des annuaires de thérapeutes spécialisés ou en vous tournant vers des associations communautaires asexuelles (comme ACE France). Votre soutien logistique et émotionnel dans cette démarche peut faire toute la différence.
En conclusion, « prévenir l’asexualité » est un non-sens et un objectif nocif. Le véritable objectif, celui qui relève de l’amour, du respect et de l’humanité, est de prévenir la souffrance des personnes asexuelles. Il s’agit de construire activement, par nos actions et nos paroles, un monde où chaque identité est célébrée pour ce qu’elle est : une facette unique et précieuse de la diversité humaine. En embrassant cette mission, vous n’aidez pas seulement votre proche asexuel, vous contribuez à créer une société plus douce et plus inclusive pour tous.
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