La maladie bouleverse bien plus que notre corps : elle ébranle notre identité, nos repères et notre vision de l’avenir. Que l’épreuve soit temporaire ou chronique, le processus de reconstruction identitaire s’apparente à un voyage intime où se mêlent vulnérabilité et résilience. Comment retrouver un sentiment de continuité avec soi-même lorsque la maladie a redessiné nos limites ? Cet article explore les dimensions psychologiques de cette métamorphose existentielle.
📚 Table des matières
Le choc identitaire initial
L’annonce diagnostique provoque souvent une rupture biographique (Bury, 1982). Les patients décrivent fréquemment un sentiment de dissociation : « Ce n’est pas moi qu’on parle ». Ce phénomène s’explique par :
- L’effraction corporelle : Le corps, habituellement transparent, devient soudain opaque par ses dysfonctionnements (ex : douleurs chroniques post-chimiothérapie)
- La temporalité brisée : Les projets à long terme s’effondrent au profit d’une temporalité médicale (rendez-vous, traitements)
- Les étiquettes stigmatisantes : Le statut de « malade » modifie les interactions sociales (ex : regards insistants sur une canne)
Une étude de Charmaz (1983) révèle que 78% des patients chroniques traversent une phase de « perte de soi » durant les 6 premiers mois. La thérapie narrative peut aider à verbaliser cette expérience.
Le deuil de l’ancien soi
Comme tout deuil, celui de sa santé suit les étapes décrites par Kübler-Ross, mais avec des spécificités :
- Déni : Refus d’adapter son mode de vie (ex : continuer à courir malgré une insuffisance cardiaque)
- Colère dirigée vers soi (« Pourquoi moi ? ») ou le corps (« traître »)
- Marchandage avec la maladie (« Si je prends mes médicaments, je pourrai… »)
- Dépression face aux limitations permanentes (perte d’autonomie)
- Acceptation du nouveau réel, sans résignation
Ce processus n’est pas linéaire. Un patient atteint de SEP peut par exemple accepter ses troubles moteurs tout en refusant ses difficultés cognitives.
La redéfinition des valeurs
La maladie agit comme un révélateur existentiel. Les travaux de Park (2010) sur la croissance post-traumatique identifient 5 domaines de transformation :
Valeur antérieure | Valeur reconstruite | Exemple concret |
---|---|---|
Performance | Présence | Un cadre qui remplace les objectifs quantitatifs par la qualité des relations |
Indépendance | Interdépendance | Apprendre à demander de l’aide pour les tâches ménagères |
Cette alchimie valeursielle demande un travail d’introspection souvent facilité par l’art-thérapie ou l’écriture autobiographique.
L’intégration du corps transformé
Le rapport au corps évolue selon trois dimensions clés :
- Perception : Réapprendre à interpréter les signaux corporels (ex : différencier fatigue normale et symptôme)
- Fonctionnalité : Découvrir de nouvelles capacités (peindre avec la main non dominante après un AVC)
- Esthétique : Apprivoiser les marques visibles (cicatrices, perte de cheveux)
Les techniques de pleine conscience corporelle montrent une efficacité prouvée pour réduire la dissociation corps/esprit (étude de 2019 dans Journal of Health Psychology).
Recréer du lien social
Les relations se recomposent autour de trois cercles relationnels :
- Intime : Renégociation des rôles conjugaux (ex : sexualité après mastectomie)
- Amical : Filtrage des relations superficielles au profit des liens authentiques
- Communautaire : Intégration de groupes de pairs (associations de patients)
Une enquête de l’INPES révèle que 63% des patients chroniques modifient significativement leur cercle social dans les 2 ans suivant le diagnostic.
Vers une identité élargie
La reconstruction aboutit souvent à une identité plus complexe et inclusive :
« Je ne suis plus la personne d’avant, mais pas seulement un malade. Je suis tout cela à la fois, et plus encore » (Témoignage d’une patiente atteinte de lupus)
Cette intégration se manifeste par :
- L’émergence de compétences nouvelles (pédagogie de sa maladie)
- La reformulation de son récit de vie incluant la maladie comme chapitre, non comme fin
- La transmission d’un savoir expérientiel (mentorat, blog thérapeutique)
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