Les erreurs courantes concernant biphobie

by

in

📚 Table des matières

La bisexualité reste l’une des orientations sexuelles les plus incomprises et stigmatisées, même au sein de la communauté LGBTQIA+. Souvent reléguée au rang de « phase », de « caprice » ou d’ »indécision », elle fait face à un rejet multidirectionnel qui mine la santé mentale et le bien-être des personnes qui s’identifient comme bi. La biphobie, cette hostilité, cette peur ou ces préjugés envers les personnes bisexuelles, se manifeste de manière subtile et souvent non intentionnelle, ce qui la rend d’autant plus pernicieuse. Cet article se propose de décortiquer les erreurs courantes, les idées reçues et les mécanismes qui perpétuent cette discrimination spécifique, afin de mieux la reconnaître et la combattre.

erreurs courantes concernant biphobie

La biphobie, une discrimination insidieuse et méconnue

La biphobie se distingue de l’homophobie par sa nature et ses manifestations. Alors que l’homophobie est souvent un rejet direct et frontal de l’homosexualité, la biphobie opère fréquemment par l’invalidation de l’identité même de la personne. Elle nie son existence légitime en tant qu’orientation sexuelle stable et définie. Une erreur fondamentale est de croire que la biphobie est une simple sous-catégorie de l’homophobie. En réalité, elle possède ses propres mécanismes, souvent alimentés par des stéréotypes spécifiques comme l’idée que les personnes bisexuelles sont nécessairement infidèles, confuses, ou en quête perpétuelle d’attention. Cette méconnaissance conduit à une minimisation de l’impact de la biphobie. Les personnes bisexuelles peuvent faire face à du rejet de la part de la communauté hétérosexuelle, mais aussi de la part de la communauté gay et lesbienne, ce qui crée un sentiment d’isolement et d’errance identitaire particulièrement délétère pour l’estime de soi.

L’effacement et l’invisibilisation de la bisexualité

L’une des erreurs les plus courantes et les plus dommageables est l’effacement systématique de la bisexualité. Cet effacement se manifeste de multiples façons. Dans les médias, lorsqu’un personnage a des relations avec des personnes de différents genres, on le qualifiera souvent d’ »hétéro » s’il est avec une personne de genre opposé, ou de « gay/lesbienne » s’il est avec une personne de même genre, ignorant complètement l’identité bisexuelle. Dans le langage courant, on utilise le terme « gay » comme un fourre-tout qui invisibilise les autres orientations. Sur le plan personnel, cet effacement se produit lorsqu’un partenaire ou des proches disqualifient l’identité bi d’une personne en fonction de son couple actuel. Par exemple, une femme bi en couple avec un homme sera perçue comme hétéro, et une femme bi en couple avec une femme sera étiquetée lesbienne. Cette négation constante de leur identité authentique force les personnes bisexuelles à devoir constamment se justifier et se redéfinir, ce qui est une source majeure d’épuisement psychologique et de détresse.

Les stéréotypes dégradants et les préjugés tenaces

La biphobie s’alimente d’un réservoir de stéréotypes profondément enracinés dans l’imaginaire collectif. La sexualisation des personnes bisexuelles, particulièrement des femmes, est un préjugé extrêmement répandu. Leur bisexualité est perçue comme un spectacle destiné à exciter le regard masculin hétérosexuel, réduisant ainsi une identité complexe à une fantaisie érotique. Un autre stéréotype majeur est celui de la tromperie et de l’infidélité innée. Il repose sur l’idée fausse que l’attirance pour plusieurs genres signifie un besoin insatiable qui ne peut être comblé par un seul partenaire, conduisant nécessairement à la tricherie. Ce préjugé ignore complètement que l’orientation sexuelle (qui désigne l’attirance) et les pratiques relationnelles (comme la monogamie ou le polyamour) sont deux concepts distincts. Enfin, le mythe de la « phase » ou de l’ »indécision » persiste, notamment chez les jeunes. La bisexualité est considérée comme un état transitoire vers une « vraie » orientation, gay ou hétéro, niant ainsi sa validité en tant que destination identitaire finale et stable pour des millions de personnes.

La hiérarchisation des sexualités et le phénomène de « gold star »

Au sein même de la communauté LGBTQIA+, une erreur courante et particulièrement blessante est la hiérarchisation des orientations sexuelles. Certains milieux gays et lesbiens cultivent le concept de « gold star gay » ou « gold star lesbian », terme désignant une personne qui n’a jamais eu de rapport sexuel avec une personne du genre opposé. Bien que souvent utilisé sur le ton de l’humour, ce concept sous-tend une idéologie problématique : il établit une pureté supposée en se basant sur l’absence de contact avec l’hétérosexualité, et par extension, il stigmatise celles et ceux qui ont eu ces expériences, c’est-à-dire de nombreuses personnes bisexuelles. Cela crée une dynamique toxique où les personnes bi sont perçues comme « trop hétéros » pour être pleinement acceptées dans les espaces queer, et « trop queer » pour être acceptées dans les espaces hétéros. Cette exclusion les place dans un no man’s land social, renforçant leur sentiment de ne appartenir nulle part et d’être constamment suspectées de ne pas être « assez légitimes » pour revendiquer une place dans la communauté qui devrait pourtant les accueillir.

La pression à la monosexualité et le déni de légitimité

La société dans son ensemble est structurée autour d’un modèle monosexuel, qui postule que l’on est soit exclusivement hétérosexuel, soit exclusivement homosexuel. La bisexualité, en brisant ce binôme, dérange et est donc soumise à une pression constante pour se « ranger ». Cette pression se traduit par des questions intrusives et invalidantes comme « Mais finalement, tu préfères les hommes ou les femmes ? » ou « Qui est ton vrai type ? ». Ces interrogations supposent que la bisexualité n’existe pas en tant que telle et qu’elle doit nécessairement se résoudre en une préférence unique. Cette erreur de perception a des conséquences très concrètes. Dans le domaine médical, par exemple, les professionnels de santé peuvent ignorer les besoins spécifiques des patients bisexuels, notamment en matière de santé sexuelle, en partant du principe que leurs pratiques sont exclusivement hétérosexuelles ou homosexuelles en fonction de l’apparence de leur couple. De même, dans le milieu militant, les personnes bisexuelles se voient souvent refuser la parole ou sont suspectées de vouloir « profiter des privilèges hétéros » si elles sont en couple hétéro-apparentant, un phénomène connu sous le nom de « privileging ».

La biphobie internalisée et ses conséquences psychologiques

Le corollaire tragique de toutes ces erreurs et discriminations externes est le développement d’une biphobie internalisée. Les personnes bisexuelles, constamment bombardées de messages niant, ridiculisant ou sexualisant leur identité, finissent par intérioriser ces préjugés. Elles peuvent elles-mêmes commencer à douter de la validité de leurs sentiments, à avoir honte de leur attirance, ou à se forcer à choisir un camp pour mettre fin à la pression sociale. Cette biphobie internalisée est un poison silencieux qui corrode l’estime de soi et est directement liée à des disparités sanitaires alarmantes. Les études en santé publique montrent systématiquement que les personnes bisexuelles présentent des taux significativement plus élevés de dépression, d’anxiété, de troubles alimentaires, de toxicomanie et de idéations suicidaires que leurs pairs hétérosexuels, mais aussi souvent que leurs pairs gays ou lesbiens. Cette détresse psychologique est moins liée à leur orientation en elle-même qu’au stress minoritaire, à la discrimination et au rejet qu’elles subissent de toutes parts.

Vers une reconnaissance et un combat commun contre la biphobie

Combattre la biphobie requiert un effort conscient et continu de déconstruction de nos propres préjugés. La première étape est la reconnaissance de l’existence et de la légitimité de la bisexualité en tant qu’orientation sexuelle stable et complète. Cela passe par un travail sur le langage : utiliser les termes que les personnes utilisent pour se définir, sans les corriger ou les remettre en question. Il faut activement lutter contre l’effacement en représentant et en nommant la bisexualité dans les discours médiatiques, éducatifs et dans la vie quotidienne. Au sein de la communauté LGBTQIA+, il est crucial de démanteler la hiérarchie des sexualités et de promouvoir une solidarité inclusive qui ne repose pas sur un test de pureté. Soutenir les organisations et les visibilités bisexuelles spécifiques, comme la Journée de la Bisexualité le 23 septembre, est également essentiel. Enfin, il s’agit de cultiver l’écoute et la confiance : faire confiance aux personnes bisexuelles quand elles parlent de leur expérience, et les écouter lorsqu’elles pointent des comportements biphobes, même lorsqu’ils sont involontaires. Le combat contre la biphobie n’est pas seulement l’affaire des personnes bisexuelles ; c’est une responsabilité collective pour construire une société véritablement inclusive.

Voir plus d’articles sur la psychologie


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *