Les erreurs courantes concernant influenceurs et pression sociale

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Scroller sans fin. Admirer des vies parfaites, des corps sculpturaux, des voyages de rêve. Se comparer, malgré soi, à cette réalité filtrée et mise en scène. Dans l’ère numérique, les influenceurs sont devenus les nouvelles figures d’autorité, les architectes des tendances et, souvent, les catalyseurs d’une pression sociale insidieuse. Mais notre compréhension de ce phénomène est truffée d’idées reçues et d’erreurs d’interprétation qui peuvent aggraver son impact sur notre bien-être mental. Cet article démêle le vrai du faux et explore en profondeur les erreurs courantes que nous commettons tous face à l’influence des réseaux sociaux et à la pression qu’elle génère.

📚 Table des matières

Les erreurs courantes concernant

Croire que « c’est juste du divertissement » et que cela n’a pas d’impact

L’une des erreurs les plus fondamentales et les plus dangereuses est de considérer le contenu des influenceurs comme un simple divertissement passif, au même titre que regarder un film ou une série. Cette croyance minimise considérablement l’impact psychologique de l’exposition répétée à des contenus hautement curés et idéalisés. La psychologie sociale nous enseigne le concept d’exposition répétée ou effet de simple exposition (effet de simple exposition de Zajonc) : plus nous sommes exposés à un stimulus (une image, un style de vie, une norme esthétique), plus nous avons tendance à le percevoir comme normal, désirable et vrai. Chaque story, chaque publication contribue à normaliser une réalité qui est, en fait, exceptionnelle. Ce n’est pas du divertissement passif ; c’est une exposition active et continue à un ensemble de normes sociales qui façonnent progressivement nos perceptions, nos attentes et, in fine, notre estime de nous-mêmes. Nous internalisons ces standards sans même nous en rendre compte, ce qui peut mener à une dissonance cognitive entre notre vie réelle et la vie idéalisée présentée en ligne, une source majeure d’anxiété et d’insatisfaction.

Penser que la pression sociale ne touche que les adolescents

Il est rassurant de croire que la pression sociale véhiculée par les influenceurs est un problème réservé aux adolescents, dont la personnalité est en construction et qui seraient donc plus influençables. Cette idée est un piège cognitif. Les adultes, bien qu’ayant une identité généralement plus stable, sont tout aussi susceptibles de subir cette pression, mais elle se manifeste différemment. Chez l’adulte, la pression ne se situe plus uniquement au niveau de l’apparence physique, mais aussi sur des terrains comme la réussite professionnelle (le « side hustle » glorifié, la reconversion parfaite), la parentalité idéale (le « parent parfait » qui gère tout sans jamais s’énerver, avec une maison toujours tidy), la consommation responsable poussée à l’extrême, ou l’optimisation de soi (le biohacking, la routine matinale parfaite à 5h du matin). La pression est tout aussi forte, mais plus sophistiquée, tapie dans des sphères où l’adulte se croit immunisé. Elle exploite les angoisses existentielles liées à l’âge : « Ai-je réussi ma vie ? Suis-je un bon parent ? Mon corps est-il encore acceptable ? ». Nier cette vulnérabilité, c’est se priver des mécanismes de défense nécessaires pour y faire face.

Confondre popularité et expertise réelle

L’algorithme récompense l’engagement, pas la compétence. C’est une distinction cruciale que notre cerveau a du mal à faire naturellement. Nous avons un biais cognitif, souvent appelé effet de halo, qui nous pousse à attribuer une expertise globale à une personne qui est compétente ou populaire dans un domaine spécifique. Un influenceur fitness avec des millions d’abonnés devient une autorité en nutrition. Un voyageur à succès donne des conseils en développement personnel. Un parent influenceur devient un expert en pédagogie. Pourtant, leur véritable expertise réside dans la création de contenu engageant et monétisable, pas nécessairement dans le domaine sur lequel ils se prononcent. Cette confusion est à l’origine de nombreux comportements à risque (régimes dangereux, conseils financiers ou médicaux non fondés) et renforce une pression sociale basée sur des affirmations qui n’ont souvent aucune validation scientifique ou professionnelle. Nous faisons l’erreur de prendre des recommandations pour des vérités absolues, simplement parce qu’elles sont délivrées avec assurance par un visage connu et apprécié.

Sous-estimer l’effet cumulatif et la bulle de filtres algorithmiques

Nous avons tendance à analyser chaque contenu individuellement : « Cette publication ne me fait pas de mal », « Ce produit promu a l’air utile ». L’erreur est de ne pas voir l’effet cumulatif et systémique de l’écosystème des réseaux sociaux. Nous ne sommes pas exposés à un influenceur ou à une publication, mais à un flux continu et personnalisé de contenu qui renforce constamment les mêmes messages. L’algorithme fonctionne comme une chambre d’écho : likez un contenu sur un régime, et on vous en proposera dix autres. Regardez une vidéo sur l’anxiété, et votre feed se remplira de conseils (parfois contradictoires) sur le sujet. Cette bulle de filtres crée une distorsion de la réalité où les standards des influenceurs finissent par sembler être la norme majoritaire, alors qu’ils ne représentent qu’une infime fraction de la population. La pression sociale n’est donc pas linéaire ; elle est exponentielle et omniprésente. Elle ne vient pas d’une source unique identifiable, mais de tout l’environnement numérique, ce qui la rend plus difficile à identifier et à contrer, car elle est normalisée par sa répétition même.

Nier sa propre vulnérabilité et adopter une attitude de déni

« Moi, je suis trop intelligent(e) pour être influencé(e). » « Je sais que c’est faux, donc cela n’a pas d’effet sur moi. » Cette posture de déni est peut-être l’erreur la plus subtile et la plus pernicieuse. Elle repose sur une confiance excessive dans notre rationalité et une méconnaissance des processus cognitifs inconscients. Les études en psychologie, notamment sur la cognition implicite, montrent que nous pouvons être influencés à notre insu. Les images que nous voyons, les messages que nous entendons, s’impriment dans notre subconscient et peuvent affecter notre humeur, notre image corporelle et nos aspirations sans que nous en ayons conscience. Croire que l’on est immunisé, c’est se désarmer. On ne met pas en place de garde-fous, on ne remet pas en question sa consommation de réseaux sociaux, et on s’expose pleinement à l’impact négatif sans même le voir venir. Reconnaître sa vulnérabilité n’est pas un signe de faiblesse, mais au contraire le premier pas vers une consommation plus saine et consciente.

Chercher la solution dans le « détox » ponctuel plutôt que dans une hygiène numérique durable

Face au mal-être généré, la réponse populaire est souvent la « détox digitale » : une coupure radicale mais temporaire. Si cela peut apporter un soulagement immédiat, c’est une solution superficielle qui traite le symptôme, pas la cause. L’erreur est de penser que le problème vient du temps passé en ligne, et non de la qualité et de la nature de ce à quoi nous sommes exposés. Une fois la détox terminée, on replonge dans le même environnement toxique. La solution réside plutôt dans la construction d’une hygiène numérique durable. Cela implique un travail actif et continu de curation de son feed (en suivant des comptes diversifiés, réalistes et positifs), d’éducation aux médias (pour décrypter les stratégies d’influence), de développement de l’esprit critique et de définition de ses propres valeurs, indépendamment des tendances. Il s’agit de passer d’une consommation passive et subie à une consommation active et choisie, où l’on reprend le contrôle de son environnement numérique comme on aménagerait son espace de vie pour qu’il soit agréable et sain.

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