Le deuil est un processus complexe et profondément personnel, souvent accompagné de rituels qui aident à traverser cette période difficile. Cependant, certaines idées reçues et erreurs courantes peuvent entraver ce cheminement. Dans cet article, nous explorons les principales erreurs commises autour des rituels et du deuil, afin de mieux comprendre comment les éviter et accompagner ceux qui vivent cette épreuve.
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Croire que le deuil suit un calendrier précis
L’une des erreurs les plus répandues est de penser que le deuil suit une progression linéaire avec des étapes bien définies. Le modèle des cinq étapes du deuil (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation) proposé par Elisabeth Kübler-Ross est souvent mal interprété. En réalité, le deuil est un processus non linéaire et unique à chaque individu. Certaines personnes peuvent ressentir de la colère avant le déni, ou vivre des phases de régression. Il est essentiel de ne pas imposer de délai à quelqu’un qui traverse un deuil, car cela peut créer une pression supplémentaire et un sentiment d’échec si la personne ne « respecte » pas ce calendrier imaginaire.
Par exemple, une étude menée par l’Université de Yale a montré que près de 60% des personnes en deuil ne suivent pas ces étapes dans l’ordre classique. Certains peuvent même sembler « accepter » rapidement la perte, puis revivre intensément leur chagrin des mois plus tard. Les rituels, comme les commémorations annuelles, peuvent réactiver des émotions longtemps après la perte initiale.
Nier l’importance des rituels personnels
Une autre erreur fréquente est de sous-estimer la valeur des rituels personnels et non traditionnels. Beaucoup pensent que seuls les rituels religieux ou culturellement établis ont de l’importance. Pourtant, des gestes apparemment simples comme écrire une lettre au défunt, créer un album photo, ou visiter un lieu qui leur était cher peuvent être extrêmement thérapeutiques.
Prenez le cas de Marie, qui a perdu son chien après 15 ans de compagnie. Son entourage a minimisé sa douleur car « ce n’était qu’un animal ». Pourtant, le rituel qu’elle a créé – planter un arbre dans son jardin avec le collier de son chien – l’a aidée à canaliser son chagrin. Les rituels personnels permettent de matérialiser l’absence et de créer un espace transitionnel entre la présence et l’absence de l’être aimé.
Imposer ses propres croyances aux autres
Chaque personne vit son deuil différemment, et imposer ses propres croyances ou méthodes de coping peut être nuisible. Dire à quelqu’un « il faut que tu passes à autre chose » ou « pleurer ne sert à rien » revient à nier la validité de son processus émotionnel. Même avec les meilleures intentions, ces phrases peuvent isoler davantage la personne en deuil.
Un exemple frappant est celui des parents en deuil périnatal. Certains trouvent du réconfort à voir et tenir leur enfant décédé, tandis que pour d’autres, cela serait insupportable. Il n’existe pas de « bonne » façon de faire son deuil. Les professionnels du deuil insistent sur l’importance d’offrir des choix plutôt que des prescriptions : « Certaines personnes trouvent utile de… Serait-ce quelque chose qui pourrait t’aider ? »
Ignorer les différences culturelles
Les rituels de deuil varient considérablement d’une culture à l’autre, et méconnaître ces différences peut mener à des maladresses. Dans certaines cultures asiatiques par exemple, le blanc est la couleur du deuil, alors qu’en Occident c’est traditionnellement le noir. Certaines communautés juives pratiquent la « shiva », une période de deuil intense de sept jours, tandis que dans certaines traditions hindoues, les rituels peuvent durer treize jours.
Ignorer ces spécificités peut blesser profondément. Une étude de l’Université de Montréal a montré que les immigrants vivant un deuil dans un pays étranger souffrent souvent doublement : de leur perte, et du manque de reconnaissance de leurs pratiques culturelles. Lorsqu’on accompagne quelqu’un d’une culture différente, il est crucial de s’informer sur ses traditions plutôt que de supposer que notre façon de faire est universelle.
Sous-estimer l’impact des petits gestes
Enfin, beaucoup pensent que seuls les grands rituels comptent, négligeant ainsi la puissance des petits gestes quotidiens. Garder une mèche de cheveux, porter régulièrement un vêtement du défunt, ou préparer son plat préféré à des dates symboliques sont autant de micro-rituels qui aident à maintenir un lien.
La psychologue Marie-Frédérique Bacqué souligne que ces « rituels intimes » sont souvent plus significatifs que les cérémonies officielles car ils reflètent la relation unique avec le défunt. Un père endeuillé raconte ainsi comment le fait de continuer à acheter le journal que lisait son fils chaque matin lui permettait de sentir encore sa présence. Ces petits actes, parfois jugés « bizarres » par l’entourage, sont en réalité des ponts psychologiques essentiels.
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