Les erreurs courantes concernant sens au travail

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Les erreurs courantes concernant sens au travail | Psychologie du travail


La quête de sens au travail est devenue un leitmotiv pour de nombreux professionnels. Pourtant, dans cette recherche parfois frénétique, nous tombons souvent dans des pièges subtils qui, loin de nous rapprocher de notre ikigai, nous en éloignent inexorablement. Ces erreurs de perception et d’action transforment une aspiration légitime en source de frustration, d’épuisement et de désillusion. Comprendre ces mécanismes est la première étape pour construire une relation plus saine et durable avec notre vie professionnelle. Cet article se propose de décortiquer ces impasses communes, non pour dresser un constat pessimiste, mais pour ouvrir des pistes de réflexion concrètes.

📚 Table des matières

Les erreurs courantes concernant

Confondre sens et passion dévorante

L’une des erreurs les plus répandues est d’assimiler le sens au travail à un état d’exaltation permanente, une passion brûlante qui doit consumer chaque instant de la journée. Cette vision, souvent véhiculée par les récits de succès et la culture des « dream jobs », est non seulement irréaliste mais aussi dangereuse. Elle crée une pression immense : si je ne suis pas constamment enthousiaste, si une tâche me semble fastidieuse, alors mon travail manquerait de sens. Cette confusion pousse à l’épuisement professionnel, car l’individu cherche désespérément un feu qui ne peut brûler en permanence sans consumer le combustible. Le sens est bien plus subtil. Il peut résider dans un sentiment de compétence, dans la contribution à un collectif, dans la résolution de problèmes complexes, ou simplement dans la stabilité qu’offre un revenu permettant de subvenir aux besoins de sa famille. C’est une satisfaction profonde et souvent tranquille, pas une euphorie constante. Attendre la passion dévorante, c’est se condamner à passer à côté des formes de sens plus discrètes mais tout aussi nourrissantes qui sont présentes dans un travail bien fait.

Attendre que le sens vienne exclusivement de l’employeur

Beaucoup d’employés adoptent une posture passive, attendant que l’entreprise, le manager ou la mission elle-même leur « donne » du sens. Ils externalisent ainsi la responsabilité de leur épanouissement professionnel. Cette attente place l’individu dans une situation de dépendance et de vulnérabilité. Si la stratégie de l’entreprise change, si le manager part, si les conditions se dégradent, le sens s’effondre. La recherche de sens est une co-construction, un dialogue entre ce que l’organisation propose et ce que l’individu y apporte, y perçoit et y cultive. Prendre une part active dans la création de sens signifie, par exemple, identifier les aspects de son poste qui sont en accord avec ses valeurs, développer des relations de qualité avec ses collègues, chercher à comprendre l’impact de son travail sur le client final, ou même simplement adopter une posture d’apprentissage continu. L’employeur a un rôle crucial à jouer en créant un environnement favorable, mais il ne peut pas injecter du sens directement dans l’esprit de ses collaborateurs. Le sens est une réponse personnelle à une situation de travail, pas un cadeau que l’on reçoit.

Penser que le sens est un état permanent et stable

Une autre illusion courante est de croire que, une fois le « sens » trouvé, celui-ci sera une acquisition définitive, un acquis immuable sur lequel on pourra s’appuyer pour toujours. Cette vision statique est source de grande anxiété lorsque, inévitablement, des périodes de doute, de lassitude ou de remise en question surviennent. Un projet qui nous animait peut se terminer, une réorganisation peut brouiller la vision, une tâche routinière peut finir par user notre motivation. Ces fluctuations sont normales. Le sens au travail est dynamique ; il évolue avec nous, avec notre vie personnelle, avec notre carrière, et avec le contexte organisationnel. Il nécessite un réajustement constant, une relecture régulière. Considérer le sens comme un processus fluide, avec des hauts et des bas, permet de traverser les phases de moindre motivation sans paniquer et sans conclure hâtivement à un « manque de sens » global. C’est un jardin qu’il faut entretenir, arroser et parfois reconfigurer, pas une pierre gravée dans le marbre.

Négliger les « petits sens » au profit du « Grand Sens »

La quête se focalise souvent sur le « Grand Sens » : la mission de l’entreprise, l’impact sociétal, la finalité noble du produit. Si ces éléments sont importants, les réduire à la seule source de sens est une erreur. Que se passe-t-il si la mission de l’entreprise est floue, ou si mon travail quotidien semble très éloigné de cet idéal ? Le risque est de conclure que tout est dénué de sens. En réalité, une grande partie du sens réside dans les « petits sens » du quotidien : la satisfaction d’avoir aidé un collègue, la fierté d’avoir résolu un problème technique complexe, le plaisir d’une interaction positive avec un client, le sentiment de maîtrise acquis en perfectionnant une compétence, ou même la simple beauté d’un code bien écrit ou d’un dossier parfaitement organisé. Ces micro-expériences de sens, cumulées, constituent l’essentiel de notre bien-être au travail. Apprendre à les reconnaître, à les savourer et à les cultiver est bien plus puissant et accessible que d’attendre une révélation liée à un grand dessein. C’est dans le grain fin du quotidien que se tisse la plupart du temps la trame de la signification.

Associer le sens uniquement à la finalité du travail, jamais à son processus

Cette erreur est un corollaire de la précédente. Nous avons tendance à chercher le sens dans le « pourquoi » (la finalité) en oubliant complètement le « comment » (le processus). Pourtant, la manière dont nous travaillons est une source immense de sens ou de non-sens. Un travail dont la finalité est noble (par exemple, développer un médicament) peut devenir absurde si les processus sont toxiques : pression insoutenable, manque d’autonomie, relations conflictuelles. À l’inverse, un travail dont la finalité semble modeste (comme la logistique) peut être profondément sensé si les processus sont vertueux : esprit d’équipe, liberté d’organisation, reconnaissance des efforts, équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Le sens n’est pas seulement dans le résultat final, il est aussi dans l’expérience vécue pendant le travail. Se concentrer exclusivement sur le but à atteindre, c’est risquer de tolérer des conditions de travail délétères au nom d’une cause supposée supérieure, ce qui est un chemin direct vers le burn-out. Une approche équilibrée consiste à évaluer à la fois la finalité du travail ET la qualité de l’expérience de travail.

Croire que le sens doit être trouvé, et non construit

Le vocabulaire que nous utilisons est révélateur : nous parlons de « trouver » un sens, comme s’il s’agissait d’un trésor caché qui attendrait simplement d’être découvert. Cette métaphore sous-entend que le sens préexiste, quelque part, et que notre rôle est de le localiser. Cette croyance peut mener à une quête perpétuelle et insatisfaisante, une série d’essais et d’erreurs où l’on change de poste, d’entreprise, voire de secteur, sans jamais être pleinement satisfait. Une perspective bien plus puissante et réaliste est de considérer que le sens se « construit » activement. Il s’agit d’un travail d’interprétation, de narration et d’action. Construire du sens, c’est prendre le temps de réfléchir aux aspects valorisants de son rôle, même mineurs. C’est créer des liens entre ses tâches et un impact plus large. C’est s’engager dans des projets qui nous stimulent, même en dehors de notre description de poste stricte. C’est, en somme, devenir l’auteur de la signification de son travail, plutôt qu’un archéologue cherchant une relique. Cette posture active redonne du pouvoir et de l’agilité face aux aléas de la vie professionnelle.

Isoler le sens professionnel du sens personnel et global de sa vie

Enfin, la plus grande erreur est peut-être de compartimenter le « sens au travail » du « sens de la vie ». Cette séparation artificielle est source de conflit interne et d’incohérence. Lorsque le travail est vécu comme une parenthèse nécessaire mais déconnectée de qui nous sommes vraiment, il est extrêmement difficile d’y trouver un épanouissement profond. Le sens au travail gagne en puissance lorsqu’il s’intègre harmonieusement (ou du moins, sans contradiction majeure) à notre système de valeurs personnelles, à nos aspirations existentielles et à notre vie en dehors du bureau. Cela ne signifie pas que le travail doit être toute notre vie, mais qu’il doit y contribuer positivement. Par exemple, un emploi qui offre une grande flexibilité peut avoir du sens pour une personne qui valorise avant tout sa vie de famille. Un poste dans une association environnementale aura du sens pour une personne dont l’engagement écologique est central. La recherche de sens doit donc être une réflexion holistique : qui suis-je ? Qu’est-ce qui compte vraiment pour moi ? Et comment mon travail peut-il s’inscrire dans cette vision plus large ? Négliger cette intégration, c’est courir le risque d’un travail qui, même « sensé » sur le papier, reste une source de dissonance et de malaise.

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