L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une thérapie qui suscite autant d’intérêt que de méfiance. Entre promesses de guérison rapide et scepticisme quant à son efficacité, cette approche thérapeutique est entourée de nombreux mythes. Dans cet article, nous allons démêler le vrai du faux, explorer les fondements scientifiques de l’EMDR et comprendre pourquoi elle est aujourd’hui reconnue par l’OMS pour le traitement des traumatismes psychologiques.
📚 Table des matières
- ✅ Mythe n°1 : L’EMDR est une thérapie « new age » sans fondement scientifique
- ✅ Mythe n°2 : Les mouvements oculaires sont magiques
- ✅ Mythe n°3 : L’EMDR fonctionne immédiatement pour tout le monde
- ✅ Mythe n°4 : L’EMDR efface complètement les souvenirs traumatiques
- ✅ Mythe n°5 : L’EMDR est dangereux et peut retraumatiser
- ✅ Réalité n°1 : L’EMDR agit sur la mémoire traumatique
- ✅ Réalité n°2 : L’EMDR est efficace pour divers troubles
- ✅ Réalité n°3 : L’EMDR nécessite un protocole rigoureux
Mythe n°1 : L’EMDR est une thérapie « new age » sans fondement scientifique
Beaucoup considèrent l’EMDR comme une approche ésotérique en raison de ses mouvements oculaires inhabituels. Pourtant, cette thérapie a été développée en 1987 par Francine Shapiro, docteure en psychologie, et repose sur des bases neuroscientifiques solides. Plus de 30 études contrôlées randomisées ont démontré son efficacité, notamment dans le traitement de l’ESPT (État de Stress Post-Traumatique). L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande d’ailleurs l’EMDR depuis 2013 pour traiter les traumatismes chez l’adulte et l’enfant.
Les mécanismes d’action de l’EMDR s’expliqueraient par son impact sur le traitement de l’information dans le cerveau. Les stimulations bilatérales (mouvements oculaires, tapotements ou sons alternés) faciliteraient la connexion entre les hémisphères cérébraux, permettant une meilleure intégration des souvenirs traumatiques dans la mémoire autobiographique.
Mythe n°2 : Les mouvements oculaires sont magiques
Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les mouvements oculaires en eux-mêmes qui « guérissent ». Ils constituent simplement un des outils de stimulation bilatérale parmi d’autres. Le véritable travail thérapeutique repose sur le protocole en 8 phases développé par Shapiro, qui inclut :
- L’évaluation minutieuse du patient et de son histoire
- La préparation et l’établissement d’une relation de confiance
- L’identification des souvenirs cibles et des cognitions négatives associées
- La désensibilisation proprement dite
- L’installation de cognitions positives
- Le scan corporel
- La clôture de la séance
- La réévaluation
Les recherches montrent que d’autres formes de stimulation bilatérale (comme les tapotements alternés ou les stimuli auditifs) peuvent être tout aussi efficaces que les mouvements oculaires. L’essentiel réside dans l’alternance droite/gauche qui semble favoriser le retraitement de l’information.
Mythe n°3 : L’EMDR fonctionne immédiatement pour tout le monde
Si certaines personnes ressentent un soulagement rapide après quelques séances, l’EMDR n’est pas une solution magique universelle. Le nombre de séances nécessaires varie considérablement selon :
- La nature et l’ancienneté du traumatisme (un événement unique récent sera généralement traité plus rapidement que des traumatismes complexes ou répétés)
- Les ressources psychologiques du patient
- La qualité de l’alliance thérapeutique
- L’environnement actuel de la personne
Pour des traumatismes complexes (comme des abus répétés dans l’enfance), le traitement peut nécessiter plusieurs mois, voire années de travail. L’EMDR s’inscrit alors souvent dans une approche thérapeutique plus globale.
Mythe n°4 : L’EMDR efface complètement les souvenirs traumatiques
L’objectif de l’EMDR n’est pas d’effacer les souvenirs, mais de modifier la façon dont ils sont stockés et vécus. Après un traitement réussi, le patient se souvient toujours de l’événement, mais celui-ci ne provoque plus la même détresse émotionnelle. La mémoire devient « adaptative » :
- Les émotions associées sont apaisées
- Les sensations physiques désagréables disparaissent ou s’atténuent
- Les croyances négatives (« Je suis en danger », « C’est de ma faute ») sont remplacées par des cognitions plus justes
Ce processus est comparable à ce qui se produit naturellement avec les souvenirs ordinaires, mais que le traumatisme avait empêché de se mettre en place.
Mythe n°5 : L’EMDR est dangereux et peut retraumatiser
Comme toute thérapie centrée sur les traumatismes, l’EMDR doit être pratiquée par un professionnel formé et expérimenté. Lorsqu’elle est correctement appliquée selon le protocole établi, elle présente peu de risques. Les thérapeutes EMDR sont formés à :
- Évaluer la stabilité émotionnelle du patient avant de commencer le travail sur les souvenirs traumatiques
- Installer des ressources et des techniques de stabilisation
- Contrôler l’intensité émotionnelle pendant la séance
- Fermer correctement la séance pour éviter des réactions post-séance difficiles
Les réactions temporaires d’inconfort (fatigue, émotions intenses, rêves plus vifs) sont normales et généralement brèves. Elles font partie du processus de retraitement.
Réalité n°1 : L’EMDR agit sur la mémoire traumatique
Les neurosciences ont montré que les souvenirs traumatiques sont stockés différemment des souvenirs normaux. Lors d’un événement traumatique, l’amygdale (centre de la peur) s’active intensément, tandis que l’hippocampe (qui aide à contextualiser les souvenirs) et le cortex préfrontal (qui permet de raisonner) voient leur activité diminuer. Résultat : le souvenir reste « bloqué » dans sa forme brute, avec toutes ses composantes sensorielles et émotionnelles intenses.
L’EMDR semble favoriser la connexion entre ces différentes zones cérébrales, permettant au souvenir de se « débloquer » et d’être intégré dans la mémoire autobiographique normale. Des études d’imagerie cérébrale ont montré des modifications de l’activité cérébrale après des séances d’EMDR, avec notamment une diminution de l’hyperactivité de l’amygdale.
Réalité n°2 : L’EMDR est efficace pour divers troubles
Si l’EMDR est surtout connue pour son efficacité sur l’ESPT, de nombreuses études ont montré son utilité pour d’autres troubles :
- Dépression : particulièrement quand liée à des événements de vie traumatisants
- Troubles anxieux : phobies, attaques de panique, anxiété généralisée
- Douleurs chroniques : quand elles ont une composante psychologique
- Deuil compliqué
- Troubles du comportement alimentaire
- Addictions : pour traiter les traumatismes sous-jacents
Cette polyvalence s’explique par le fait que de nombreux troubles psychologiques ont des racines dans des expériences difficiles non résolues.
Réalité n°3 : L’EMDR nécessite un protocole rigoureux
Contrairement à l’image parfois simpliste véhiculée, l’EMDR est une thérapie structurée qui suit un protocole précis en 8 phases. Chaque étape est essentielle :
- Histoire du patient : évaluation complète, identification des souvenirs cibles
- Préparation : explication de la méthode, installation de techniques de stabilisation
- Évaluation : identification des aspects clés du souvenir (image, cognition négative, émotion, sensations)
- Désensibilisation : retraitement du souvenir via les stimulations bilatérales
- Installation : renforcement des cognitions positives
- Scan corporel : vérification des résidus de tension physique
- Clôture : retour au calme, consignes pour entre les séances
- Réévaluation : vérification des résultats et planification des étapes suivantes
Ce cadre rigoureux est ce qui distingue l’EMDR pratiquée par des professionnels certifiés des versions simplifiées parfois proposées.
Laisser un commentaire