Que dit la science à propos de micro-expressions ?

by

in

Vous est-il déjà arrivé de sentir qu’une personne ne disait pas toute la vérité, simplement en observant une infime contraction de ses sourcils ou un bref mouvement de ses lèvres ? Ces signaux fugaces, appelés micro-expressions, sont des révélateurs puissants de nos émotions cachées. La science a longuement étudié ces phénomènes pour décrypter ce langage silencieux du visage. Dans cet article, nous plongerons dans les recherches les plus récentes pour comprendre ce que disent vraiment ces minuscules mouvements musculaires sur nos états émotionnels.

📚 Table des matières

Que dit la science

Qu’est-ce qu’une micro-expression ?

Les micro-expressions sont des expressions faciales involontaires qui apparaissent pendant une fraction de seconde (généralement entre 1/25e et 1/5e de seconde) et trahissent une émotion que la personne tente de dissimuler. Contrairement aux expressions normales qui durent plusieurs secondes, ces micromouvements échappent souvent au contrôle conscient. Leur durée extrêmement brève les rend difficiles à repérer sans entraînement spécifique, mais elles constituent des indicateurs fiables des véritables émotions ressenties.

La science distingue plusieurs caractéristiques clés des micro-expressions : leur universalité (elles se manifestent de manière similaire dans toutes les cultures), leur spontanéité (elles précèdent l’expression contrôlée) et leur authenticité (elles reflètent l’émotion réelle). Par exemple, un vrai sourire de plaisir (appelé « sourire de Duchenne ») implique à la fois les muscles zygomatiques (qui tirent les coins de la bouche vers le haut) et les muscles orbiculaires des yeux (qui créent des pattes d’oie), alors qu’un sourire forcé n’active généralement que la bouche.

L’histoire scientifique des micro-expressions

Le concept de micro-expressions a été popularisé dans les années 1960 par le psychologue Paul Ekman, bien que des observations similaires remontent à Charles Darwin. Ekman a mené des recherches révolutionnaires en étudiant les expressions faciales dans diverses cultures, y compris des tribus isolées en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ses travaux ont démontré que certaines expressions émotionnelles de base sont universelles et biologiquement déterminées plutôt qu’apprises culturellement.

Les avancées technologiques, notamment l’analyse vidéo image par image et plus récemment l’intelligence artificielle, ont permis d’étudier ces phénomènes avec une précision inégalée. Les systèmes de codage comme le Facial Action Coding System (FACS) développé par Ekman et Friesen permettent d’analyser systématiquement chaque mouvement musculaire du visage, offrant une grille de lecture scientifique des micro-expressions.

Les 7 émotions universelles selon Ekman

Les recherches d’Ekman ont identifié sept émotions fondamentales qui s’expriment par des configurations faciales spécifiques et universelles :

  1. La joie : Sourire avec élévation des joues et plissement des yeux (activation des muscles zygomaticus major et orbicularis oculi).
  2. La tristesse : Sourcils relevés et rapprochés, commissures des lèvres tirées vers le bas (muscles depressor anguli oris).
  3. La peur : Sourcils relevés et rapprochés, yeux écarquillés, lèvres légèrement étirées (muscles frontalis et levator palpebrae superioris).
  4. La colère : Sourcils abaissés et rapprochés, regard fixe, lèvres serrées (muscles corrugator supercilii et depressor supercilii).
  5. La surprise : Sourcils arqués, yeux écarquillés, bouche ouverte (activation simultanée de plusieurs muscles faciaux).
  6. Le dégoût : Nez plissé, lèvre supérieure relevée, parfois langue légèrement sortie (muscle levator labii superioris).
  7. Le mépris : Unilatéral avec un coin de la lèvre relevé (muscle risorius d’un seul côté).

Chacune de ces émotions produit des micro-expressions caractéristiques qui peuvent apparaître même lorsque la personne tente de les masquer. Par exemple, une micro-expression de peur lors d’un interrogatoire peut révéler que le suspect craint que son mensonge ne soit découvert.

Comment le cerveau traite les micro-expressions

Les neurosciences ont révélé que la perception et la production des micro-expressions impliquent principalement le système limbique (siège des émotions) et l’amygdale en particulier, plutôt que le cortex préfrontal associé au contrôle volontaire. Des études d’imagerie cérébrale montrent que même lorsque nous ne percevons pas consciemment une micro-expression, notre cerveau y réagit au niveau subconscient.

Le traitement des micro-expressions semble suivre une voie neuronale spécifique : l’information visuelle atteint d’abord le thalamus, puis est dirigée vers l’amygdale pour une évaluation rapide de la menace avant même d’être pleinement conscientisée. Ce mécanisme explique pourquoi nous pouvons ressentir une réaction émotionnelle à une micro-expression sans pouvoir toujours l’identifier consciemment.

Applications pratiques : détection des mensonges et psychothérapie

La compréhension des micro-expressions trouve des applications dans divers domaines :

  • Sécurité et interrogatoires : De nombreux services de renseignement et forces de l’ordre utilisent des techniques basées sur les micro-expressions pour évaluer la crédibilité des témoignages. Cependant, il est crucial de noter qu’une micro-expression révèle une émotion, pas nécessairement un mensonge.
  • Psychothérapie : Les thérapeutes peuvent repérer des micro-expressions de détresse ou de résistance qui n’ont pas été verbalisées, permettant d’aborder des sujets sensibles avec plus de finesse.
  • Négociation : Les micro-expressions peuvent révéler le seuil d’acceptation ou de rejet chez un partenaire commercial avant qu’il ne l’exprime verbalement.
  • Diagnostic médical : Certaines conditions neurologiques comme la maladie de Parkinson ou l’autisme affectent la production et la reconnaissance des expressions faciales.

Limites et controverses scientifiques

Malgré leur intérêt indéniable, les micro-expressions font l’objet de débats scientifiques :

  • Certains chercheurs contestent leur universalité, notant des variations culturelles dans l’intensité et la fréquence des expressions.
  • La fiabilité de leur interprétation est parfois remise en question, notamment dans des contextes judiciaires où les enjeux sont élevés.
  • L’entraînement à la reconnaissance des micro-expressions montre des résultats variables selon les individus, avec des taux de réussite généralement compris entre 40% et 80%.
  • Les technologies de reconnaissance automatique des émotions basées sur les micro-expressions soulèvent des questions éthiques concernant la vie privée et le consentement.

Il est essentiel de comprendre que les micro-expressions ne sont pas une « science infuse » permettant de lire dans les pensées, mais plutôt un outil parmi d’autres pour comprendre les états émotionnels.

Voir plus d’articles sur la psychologie


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *