Que dit la science à propos de sexisme ?

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Le sexisme est un phénomène complexe qui imprègne nos sociétés depuis des siècles. Mais que dit vraiment la science à ce sujet ? Loin des clichés et des idées reçues, les recherches en psychologie sociale, neurosciences et sociologie révèlent des mécanismes subtils et parfois insidieux. Cet article explore en profondeur les preuves scientifiques derrière les stéréotypes de genre, leurs impacts et les solutions envisagées.

📚 Table des matières

Que dit la science

Les bases neurobiologiques des préjugés sexistes

Contrairement à une croyance répandue, le cerveau humain ne présente pas de différences structurelles majeures entre les sexes. Une méta-analyse de 2015 publiée dans Neuroscience & Biobehavioral Reviews a examiné 1 400 cerveaux via IRM, révélant que les variations individuelles surpassent largement les différences liées au genre. Pourtant, les stéréotypes persistent. Pourquoi ?

La réponse réside dans les circuits de la cognition sociale. L’amygdale et le cortex préfrontal, impliqués dans les jugements rapides, s’activent différemment face aux transgressions de rôles genrés. Une étude de l’Université de Princeton (2018) montre que ces réactions sont acquises : l’exposition répétée à des stéréotypes renforce les connexions neuronales correspondantes, créant des biais automatiques.

Un exemple frappant : les tests d’association implicite (IAT) révèlent que 75% des participants associent plus rapidement « homme » avec « carrière » et « femme » avec « famille », indépendamment de leurs convictions conscientes. Ce conditionnement neurocognitif explique pourquoi le sexisme persiste malgré l’évolution des mentalités.

L’impact des stéréotypes dès l’enfance

Dès 6 mois, les bébés perçoivent les différences de genre. À 3 ans, ils intègrent déjà les stéréotypes culturels. Une expérience menée par Bian et al. (2017) dans Science a démontré qu’à 5 ans, les filles attribuent moins d’intelligence à leur propre genre, influencées par leur environnement.

Les jouets genrés jouent un rôle clé. Une analyse de 2019 portant sur 100 catalogues de jouets montre que 89% des jouets « pour filles » mettent l’accent sur l’apparence ou les soins, contre 12% pour les garçons. Ces choix précoces orientent le développement des compétences :

  • Les jouets de construction (majoritairement masculins) stimulent la cognition spatiale
  • Les poupées (majoritairement féminines) renforcent les habiletés verbales

Cet apprentissage différencié crée des écarts persistants. En mathématiques, les filles obtiennent des scores égaux aux garçons jusqu’à l’adolescence, où l’anxiété liée aux stéréotypes (« menace du stéréotype ») fait chuter leurs performances de 15 à 20% selon une étude longitudinale de l’OCDE (2021).

Sexisme bienveillant vs. hostile : une distinction cruciale

Le modèle de Glick et Fiske (1996) identifie deux formes complémentaires de sexisme :

Sexisme hostile Sexisme bienveillant
Croyance que les femmes sont inférieures Croyance que les femmes doivent être protégées
« Les femmes sont trop émotives pour diriger » « Les femmes sont trop précieuses pour faire ce travail dangereux »

Le sexisme bienveillant est particulièrement insidieux. Une méta-analyse de 2020 (Personality and Social Psychology Bulletin) montre qu’il :

  • Réduit la perception d’injustice chez les victimes (-34% de plaintes)
  • Corrèle avec une moindre ambition professionnelle (effet médiateur de -22%)
  • Est souvent internalisé (« il veut juste mon bien »)

Pourtant, les deux formes renforcent le système patriarcal. Les recherches de Barreto et Ellemers (2005) prouvent que les sociétés à fort sexisme bienveillant ont aussi les plus grandes inégalités salariales.

Les biais inconscients dans le monde professionnel

Le « plafond de verre » trouve ses racines dans des mécanismes scientifiquement documentés :

  1. Effet Matilda : Les contributions des femmes sont systématiquement sous-évaluées. Une étude de 2012 dans PNAS a soumis des CV identiques avec des prénoms masculins ou féminins à des comités scientifiques. Résultat : les « hommes » étaient jugés 20% plus compétents.
  2. Double contrainte : Les femmes leaders doivent concilier compétence et chaleur, deux traits perçus comme antagonistes. Une expérience de l’INSEAD (2018) montre qu’une femme directrice est jugée 14% moins sympathique qu’un homme équivalent.
  3. Pénurie de modèles : Seulement 17% des experts invités dans les médias sont des femmes (Global Media Monitoring Project 2020), renforçant l’association implicite entre autorité et masculinité.

Ces biais ont des conséquences économiques mesurables : les entreprises du Fortune 500 avec plus de 30% de femmes dirigeantes ont une rentabilité 15% supérieure (McKinsey, 2019). Pourtant, à ce rythme, l’égalité dans les conseils d’administration ne sera atteinte qu’en 2070 selon le WEF.

Stratégies validées pour réduire le sexisme

Plusieurs interventions prouvées scientifiquement :

1. La confrontation constructive
Une étude de 2019 dans Journal of Experimental Social Psychology montre que les hommes recevant un feedback spécifique (« Ta blague renforce l’idée que les femmes sont moins compétentes ») réduisent leurs comportements sexistes de 40% dans les 6 mois, contre 5% pour les approches générales.

2. L’exposition à des contre-stéréotypes
Le simple fait de montrer des femmes scientifiques dans des films augmente de 32% l’intérêt des filles pour les STEM (étude USC Annenberg, 2020). Le programme « Scientist Spotlight » utilisant ce principe a réduit les stéréotypes de genre de 45% en 12 semaines.

3. Les politiques organisationnelles
Les entreprises utilisant des audits anonymes des salaires réduisent les écarts de 18% en moyenne (Harvard Business Review, 2021). Les processus de promotion standardisés (grilles objectives) augmentent de 28% les nominations féminines.

L’intersectionnalité : quand le sexisme croise d’autres discriminations

Le concept développé par Kimberlé Crenshaw prend tout son sens scientifiquement. Les femmes noires subissent :

  • Un taux de harcèlement sexuel au travail 3× supérieur aux femmes blanches (EEOC, 2018)
  • Des salaires 21% inférieurs aux hommes noirs et 38% inférieurs aux hommes blancs (US Bureau of Labor Statistics)
  • Une sous-représentation dans les études cliniques (seulement 3% des participantes aux essais médicaux en 2020)

Les recherches en neurosciences sociales révèlent un « biais d’intersectionnalité » : notre cerveau catégorise d’abord par race, puis par genre, exacerbant les discriminations multiples. Une IRM fonctionnelle montre que les visages de femmes noires activent moins les zones de l’empathie que les femmes blanches (étude NYU, 2019).

Les solutions doivent donc être multidimensionnelles. Le programme « Double Jeu » en France, combinant mentorat professionnel et groupes de parole sur les identités multiples, a augmenté de 65% les promotions des participantes en 2 ans.

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