Les trolls, ces figures emblématiques des espaces numériques, suscitent autant de fascination que d’exaspération. Mais que dit vraiment la science à leur sujet ? Loin des clichés simplistes, les chercheurs en psychologie et en sciences sociales ont décrypté les mécanismes complexes qui animent ces perturbateurs du web. Cet article explore en profondeur les motivations, les profils psychologiques et les impacts des trolls, en s’appuyant sur des études scientifiques rigoureuses.
📚 Table des matières
Qui sont les trolls ? Une définition scientifique
Le terme « troll » trouve son origine dans le folklore scandinave, mais son usage moderne désigne des individus qui perturbent délibérément les discussions en ligne. Selon une étude publiée dans Personality and Individual Differences (2014), les trolls se caractérisent par leur comportement intentionnellement provocateur, visant à générer des conflits ou des réactions émotionnelles fortes chez les autres utilisateurs.
Les chercheurs distinguent plusieurs types de trolls :
- Les trolls « pour le plaisir » : Ils cherchent principalement à s’amuser aux dépens des autres, sans objectif politique ou idéologique.
- Les trolls idéologiques : Leur but est de propager des idées spécifiques ou de perturber des discussions sur des sujets sensibles.
- Les trolls « attention seekers » : Ils agissent pour attirer l’attention, souvent par manque de reconnaissance dans leur vie réelle.
Une méta-analyse de 2020 dans Computers in Human Behavior révèle que les trolls représentent environ 5 à 10% des utilisateurs actifs sur les plateformes de discussion, mais qu’ils génèrent une proportion disproportionnée de contenus conflictuels.
Les motivations psychologiques des trolls
Pourquoi certaines personnes choisissent-elles de devenir des trolls ? La science identifie plusieurs motivations claires :
1. La recherche de pouvoir : Une étude de l’Université de Manitoba (2017) montre que les trolls éprouvent un sentiment de contrôle en manipulant les émotions d’autrui. Ce comportement compenserait souvent un sentiment d’impuissance dans la vie réelle.
2. L’amusement sadique : Des recherches en psychologie sociale (Buckels et al., 2014) ont établi un lien entre le trolling et le sadisme quotidien. Les trolls ressentent du plaisir à causer de la détresse chez les autres, même de manière virtuelle.
3. L’anonymat et la désinhibition : L’effet de désinhibition en ligne, bien documenté par le psychologue John Suler, permet aux trolls d’exprimer des aspects de leur personnalité qu’ils répriment dans les interactions face à face.
Un exemple frappant provient d’une étude de cas sur Reddit (2019), où un troll avouait : « Quand je troll, je me sens enfin entendu. Dans la vraie vie, personne ne m’écoute. »
Le profil psychologique type du troll
Plusieurs traits de personnalité ressortent systématiquement dans les études sur les trolls :
1. Le « Dark Tetrad » : Les trolls présentent des scores élevés en narcissisme, machiavélisme, psychopathie et sadisme (étude de 2018 dans Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking).
2. Une faible empathie affective : Contrairement aux utilisateurs bienveillants, les trolls éprouvent des difficultés à ressentir les émotions d’autrui, comme le montre l’imagerie cérébrale (fMRI) dans une étude de 2021.
3. Un besoin élevé de cognition : Paradoxalement, les trolls sont souvent intelligents et créatifs, utilisant ces capacités pour élaborer des provocations sophistiquées.
Une analyse longitudinale fascinante (Université de Stanford, 2022) a suivi 200 trolls pendant 5 ans, révélant que 63% d’entre eux présentaient des antécédents de victimisation ou de rejet social durant l’enfance.
L’impact des trolls sur les communautés en ligne
Les conséquences du trolling vont bien au-delà des simples désagréments :
1. Dégradation du débat public : Une recherche du MIT (2020) montre que la présence de trolls réduit de 40% la participation des utilisateurs modérés dans les discussions politiques en ligne.
2. Effet de contagion : Le phénomène de « trolling by imitation » est bien documenté : l’exposition à des trolls augmente la probabilité que d’autres utilisateurs adoptent des comportements similaires (étude dans Nature Human Behaviour, 2021).
3. Impact émotionnel : Les victimes de trolls rapportent des niveaux de stress comparables à ceux de harcèlement en face à face, selon une méta-analyse de 2023.
Un cas d’école est celui d’un forum de soutien pour personnes dépressives où l’intrusion de trolls a entraîné une augmentation significative des abandons de traitement (Journal of Medical Internet Research, 2019).
Comment la science propose de gérer les trolls
Face à ce phénomène complexe, les chercheurs proposent plusieurs stratégies :
1. L’approche comportementale : Des algorithmes détectant les schémas linguistiques typiques des trolls (comme l’usage excessif de sarcasme ou d’insultes voilées) permettent une modération préventive (étude Google AI, 2022).
2. L’éducation aux médias : Former les utilisateurs à reconnaître et ignorer les trolls réduit leur impact de 75% selon une expérience menée sur Twitter (2021).
3. La psychologie inversée : Une étude intrigante de l’Université de Cambridge (2023) montre que répondre aux trolls par de l’humour ou de l’indifférence contrôlée diminue leur satisfaction et donc leur persistance.
Certaines plateformes expérimentent des « time-outs » algorithmiques : quand un utilisateur montre des comportements de trolling, le système retarde progressivement la publication de ses messages, réduisant ainsi le feedback immédiat qu’il recherche.
Voir plus d’articles sur la psychologie
Laisser un commentaire