Questions fréquentes sur asexualité

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Questions fréquentes sur asexualité

Dans le vaste spectre de l’expérience humaine, la sexualité se décline en une infinie variété de nuances. Pourtant, notre société reste profondément axée sur l’allonormativité, cette croyance répandue que toute personne normale est attirée sexuellement par d’autres. Au cœur de ce paysage, l’asexualité émerge comme une orientation méconnue, souvent incomprise, et source d’une multitude de questions. Entre les idées reçues, la confusion avec d’autres concepts et le simple manque de visibilité, les interrogations sont légitimes. Cet article se propose de plonger dans les méandres de cette identité, non pas pour en faire un tour d’horizon exhaustif, mais pour répondre avec nuance et profondeur aux questions les plus fréquentes que se posent les personnes asexuelles, leurs proches, et toute personne cherchant à comprendre cette facette de la diversité humaine.

Qu’est-ce que l’asexualité exactement ? Définition et nuances

L’asexualité est une orientation sexuelle caractérisée par une absence persistante d’attirance sexuelle envers autrui. Il ne s’agit pas d’un choix, d’une phase, ou d’une conséquence d’un traumatisme, mais bien d’une partie intrinsèque de l’identité d’une personne, au même titre que l’hétérosexualité, l’homosexualité ou la bisexualité. Le terme « persistant » est crucial ici : il distingue l’asexualité, qui est une orientation stable, d’une simple période d’abstinence ou d’un faible désir sexuel qui peut fluctuer au cours d’une vie.

Le spectre asexuel est bien plus large et diversifié que la simple absence d’attirance. Il englobe une myriade d’expériences. La « grise-sexualité » ou « grise-asexualité » (grey-ace), par exemple, désigne les personnes qui se situent dans la zone grise entre la sexualité et l’asexualité. Elles peuvent ressentir une attirance sexuelle très rarement, uniquement sous certaines conditions spécifiques, ou avec une intensité si faible qu’elles ne se considèrent pas comme allosexuelles (le terme désignant les personnes qui éprouvent une attirance sexuelle). La « démisexualité » est une identité faisant partie de ce spectre gris. Une personne demisexuelle ne peut ressentir une attirance sexuelle qu’après avoir établi un profond lien émotionnel avec un partenaire. Pour elle, la connexion affective est un prérequis indispensable à l’émergence possible du désir sexuel, ce qui la distingue des personnes allosexuelles pour qui l’attirance peut être immédiate ou esthétique.

Il est également fondamental de dissocier l’attirance sexuelle de l’attirance romantique. Une personne asexuelle peut très bien être homoromantique (attirée romantiquement par des personnes du même genre), hétéroromantique, biromantique, panromantique ou aromantique (ne ressentant aucune attirance romantique). Une femme asexuelle et homoromantique, par exemple, ne ressentira pas de désir sexuel pour d’autres femmes, mais pourra tomber amoureuse, désirer une relation de couple, de l’intimité émotionnelle et des câlins. Cette distinction est une clé essentielle pour comprendre la richesse et la complexité des expériences asexuelles.

Asexualité et libido : une distinction fondamentale

L’une des confusions les plus courantes et les plus dommageables concerne la confusion entre l’attirance sexuelle et la libido, ou désir sexuel intrinsèque. Ce sont deux concepts psychologiques et physiologiques distincts. L’attirance sexuelle est dirigée vers l’extérieur : c’est le désir d’avoir une activité sexuelle avec une personne spécifique. La libido, en revanche, est une pulsion interne, un état d’excitation physiologique qui peut survenir sans qu’aucun objet ou personne ne soit ciblé. On peut la comparer à la faim : c’est une sensation corporelle.

De nombreuses personnes asexuelles ont une libido tout à fait fonctionnelle. Elles peuvent éprouver des sensations d’excitation sexuelle, avoir des fantasmes abstraits (sans y impliquer nécessairement leur propre personne), et pratiquer l’autostimulation (masturbation). Leur expérience diffère en cela qu’elles ne ressentent pas le besoin ou l’envie de partager cette sexualité avec un partenaire. La masturbation, pour elles, peut être vécue comme un simple moyen de relâcher une tension physique, de se détendre, ou d’explorer ses sensations corporelles, sans aucune dimension de désir pour autrui. À l’inverse, d’autres personnes asexuelles ont une libido absente ou très faible. La diversité des expériences est immense, et il n’existe pas une seule façon « correcte » d’être asexuel.

Cette distinction explique pourquoi une personne asexuelle peut tout à fait apprécier les câlins, les baisers, les massages ou d’autres formes d’intimité physique non génitales. Ces gestes sont recherchés pour le plaisir sensoriel, le réconfort émotionnel et la connexion qu’ils procurent, et non comme un prélude à un acte sexuel. Comprendre cette nuance permet de déconstruire le préjugé selon lequel les asexuels sont « froids », « distanciés » ou « rejetent toute forme d’intimité ».

L’asexualité est-elle un trouble ou un choix ?

Absolument pas. L’asexualité n’est ni un trouble médical, ni un choix délibéré. C’est cette affirmation qui situe clairement l’asexualité dans le champ des orientations sexuelles et non dans celui de la pathologie. La communauté médicale et psychologique, à travers des manuels de référence comme le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), ne considère l’absence de désir sexuel comme un trouble (trouble du désir sexuel hypoactif) que si elle cause une détresse significative à l’individu. Une personne asexuelle qui vit bien son asexualité et ne la perçoit pas comme un problème ne souffre d’aucun trouble.

La pression sociale et médicale peut cependant être source de grande détresse. Beaucoup d’asexuels sont poussés à consulter des médecins ou des thérapeutes parce qu’ils sont persuadés, ou qu’on les persuade, que « quelque chose ne tourne pas rond ». On leur prescrit parfois des traitements hormonaux inutiles, on leur suggère qu’ils n’ont « pas encore trouvé la bonne personne », ou on invalide purement et simplement leur expérience (« C’est juste une phase », « Tu devrais essayer, tu verras bien »). Cette invalidation, appelée « acephobia » ou asexophobie, est une source majeure d’isolement et de mal-être. Elle envoie le message que leur identité est invalide, anormale ou nécessite une correction.

Parler de « choix » est également un contresens. Personne ne choisit de ne pas ressentir d’attirance sexuelle, de la même manière que personne ne choisit d’en ressentir. On ne choisit pas son orientation sexuelle, on la découvre. Le choix, s’il existe, réside dans la manière dont on décide de vivre et d’exprimer cette orientation, par exemple en choisissant d’avoir ou non des relations sexuelles pour faire plaisir à un partenaire, ou en choisissant de s’identifier publiquement ou non comme asexuel.

Relations amoureuses et romantiques chez les personnes asexuelles

L’idée qu’une relation amoureuse doive nécessairement inclure une sexualité active et désirée est un pilier de l’allonormativité. Les personnes asexuelles, notamment celles qui éprouvent une attirance romantique, construisent pourtant des relations riches, intimes et épanouissantes qui challengent cette norme. La nature de ces relations varie considérablement en fonction des individus et de leur identité romantique.

Pour les asexuels romantiques, une relation de couple classique est tout à fait possible. L’intimité se construit sur d’autres piliers : la complicité intellectuelle, le partage d’activités, le soutien émotionnel inconditionnel, la communication profonde, et l’intimité physique non-sexuelle (câlins, mains tenues, etc.). La négociation est souvent un élément clé de ces relations, surtout si le partenaire est allosexuel. Ils doivent discuter ouvertement de leurs besoins, de leurs limites et trouver des compromis qui respectent l’intégrité de chacun. Pour certains couples, cela peut signifier une relation sexuelle ouverte, où le partenaire allosexuel peut combler ses besoins sexuels ailleurs avec consentement. Pour d’autres, cela peut impliquer une sexualité compromise (où la personne asexuelle accepte parfois d’avoir des rapports par amour pour son partenaire), à condition que cela ne se fasse jamais sous la contrainte ou au détriment de son bien-être.

Les personnes aromantiques asexuelles, souvent appelées « aro-ace », ne recherchent quant à elles généralement pas de relations de couple traditionnelles. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles vivent dans l’isolement. Elles construisent des réseaux de soutien extrêmement solides et profonds basés sur l’amitié intense, les « queerplatonic relationships » (QPRs) ou relations platoniques queer. Une QPR est une relation qui transcende les frontières de l’amitié conventionnelle sans être romantique. C’est un engagement profond, souvent structuré et négocié, entre deux personnes ou plus, qui peuvent choisir de vivre ensemble, d’élever des enfants, de partager leurs finances et de se soutenir pour la vie, le tout sans dimension romantique ou sexuelle. Ces modèles relationnels montrent à quel point notre compréhension de l’amour et de l’engagement peut être élargie et enrichie.

Comment savoir si on est asexuel(le) ? Parcours d’identification

Le cheminement vers la découverte et l’acceptation de son asexualité est un processus profondément personnel et souvent long, principalement en raison du manque criant de représentation et de vocabulaire dans la culture dominante. Beaucoup décrivent une période de confusion où ils se sentent « cassés » ou « en retard » par rapport à leurs pairs qui commencent à s’épanouir sexuellement.

Plusieurs signes peuvent être des indices, bien qu’aucun ne soit une preuve absolue. Une personne peut commencer à s’interroger si elle constate qu’elle ne partage pas l’intérêt de ses ami(e)s pour le sexe, les discussions sur la séduction ou la beauté des autres d’un point de vue sexuel. Le sentiment de devoir « faire semblant » pour s’intégrer, en prétendant avoir des crushs ou en inventant des expériences, est également très révélateur. La lecture de témoignages d’autres personnes asexuelles sur des forums dédiés (comme sur AVEN – Asexual Visibility and Education Network) ou dans des livres est souvent un moment de révélation et de validation puissant. Se reconnaître dans les expériences des autres permet de mettre un mot sur un sentiment flou et de réaliser que l’on n’est pas seul.

L’expérimentation de labels (étiquettes) fait partie intégrante de ce processus. Une personne peut commencer par se identifier comme « peut-être asexuelle », puis explorer des microlabels comme « demisexuelle » ou « grey-ace » avant de trouver celui qui lui correspond le mieux, ou de décider de ne pas s’étiqueter du tout. Il est crucial de se rappeler que ces labels sont des outils pour se comprendre et se définir soi-même, et non des cases rigides dans lesquelles il faudrait à tout prix rentrer. Ils peuvent évoluer avec le temps, et ce n’est pas un problème. L’important est le voyage introspectif qui permet de mieux se connaître et de s’accepter tel que l’on est, sans pression extérieure.

Comment soutenir un proche qui se découvre asexuel ?

Lorsqu’une personne vous fait son coming out asexuel, votre réaction est primordiale. Le soutien commence par une écoute active et une validation inconditionnelle. Voici quelques pistes concrètes pour être un allié efficace.

Premièrement, croyez-la sur parole. Évitez absolument les phrases invalidantes comme « Tu n’as juste pas trouvé la bonne personne », « C’est probablement hormonal », « Ne t’inquiète pas, ça viendra » ou « Mais tu as déjà essayé ? ». Ces remarques, bien qu’elles partent parfois d’une intention bienveillante, nient la réalité et l’identité de la personne. À la place, employez des phrases de soutien : « Merci de me faire confiance et de me partager ça », « Je suis là pour toi », « Peux-tu m’en dire plus sur ce que ça signifie pour toi ? ». Montrez-vous curieux de comprendre SON expérience, sans projeter vos propres cadres de référence.

Deuxièmement, éduquez-vous par vous-même. Ne demandez pas à la personne de faire tout le travail émotionnel de vous expliquer les bases de l’asexualité. Utilisez les ressources disponibles en ligne (comme le site AVEN) pour trouver des réponses à vos questions. Cela montre un engagement sincère et soulage votre proche d’une lourde charge.

Enfin, soyez un allié actif. Corrigez les idées reçues sur l’asexualité lorsque vous les entendez dans votre entourage, en respectant bien sûr le niveau de confidentialité souhaité par votre proche. Soutenez-le dans sa recherche de relations qui lui correspondent, qu’elles soient amicales, romantiques ou queerplatoniques. Rappelez-lui que sa valeur n’est en aucun cas liée à sa sexualité ou à son manque de sexualité. Votre rôle n’est pas de tout comprendre parfaitement, mais de respecter, d’accepter et d’aimer votre proche pour qui il est, sans chercher à le changer.

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