Questions fréquentes sur biphobie

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Questions fréquentes sur la biphobie : Définition, Manifestations et Lutte


La diversité des orientations sexuelles est une riche tapisserie de l’expérience humaine, mais elle est malheureusement trop souvent obscurcie par les préjugés. Si l’homophobie est un concept de plus en plus connu et combattu, sa cousine, la biphobie, reste fréquemment dans l’ombre, méconnue et sous-estimée. Elle touche pourtant une partie significative de la communauté LGBTQ+, créant une double marginalisation aux conséquences psychologiques profondes. Cet article se propose de démystifier ce phénomène insidieux en répondant aux questions les plus fréquentes, afin de mieux le comprendre, le reconnaître et, in fine, le déconstruire.

📚 Table des matières

Questions fréquentes sur biphobie

Qu’est-ce que la biphobie exactement ? Définition et spécificités

La biphobie se définit comme un ensemble de attitudes, de préjugés, de stéréotypes négatifs et de discriminations dirigés spécifiquement contre les personnes bisexuelles. Contrairement à une idée reçue, elle ne se limite pas au rejet pur et simple. Elle englobe un spectre beaucoup plus large de comportements, allant des micro-agressions subtiles jusqu’aux violences explicites. Sa spécificité réside dans le fait qu’elle cible l’attirance pour plus d’un genre, ce qui la distingue de l’homophobie (qui cible l’attirance pour le même genre) et de l’hétérosexisme (qui privilégie l’hétérosexualité comme norme exclusive).

La biphobie est souvent alimentée par des mythes tenaces. L’un des plus répandus est l’idée que la bisexualité n’existe pas vraiment, qu’il s’agit d’une « phase », d’un « dilemme » ou d’une étape vers une « véritable » homosexualité. Un autre cliché persistant est celui de l’ »insatiabilité » et de l’infidélité présumée des personnes bisexuelles, perçues comme incapables de se satisfaire d’un seul partenaire ou d’être fidèles. Enfin, la biphobie s’exprime aussi par l’invisibilisation, où la bisexualité est tout simplement niée ou effacée, par exemple en qualifiant un couple hétérosexuel de « devenu hétéro » ou un couple homosexuel de « devenu gay », ignorant complètement l’identité bisexuelle des partenaires.

Comment la biphobie se manifeste-t-elle au quotidien ?

Les manifestations de la biphobie sont multiples et peuvent survenir dans tous les domaines de la vie : familial, professionnel, amical, médical et même au sein de la communauté LGBTQ+.

Dans le cercle personnel et familial, cela peut prendre la forme de questions intrusives et invalidantes : « Tu es sûr·e ? Ce n’est pas juste de la confusion ? », « Il faut que tu choisisses un camp un jour », « C’est juste parce que tu as peur de assumer d’être gay ». Les proches peuvent minimiser ou ridiculiser l’orientation de la personne, refuser d’en parler ou lui mettre la pression pour qu’elle « se range ».

Dans le milieu professionnel, les blagues et les remarques stéréotypées sont monnaie courante. Une personne bisexuelle peut être sexualisée de manière inappropriée (« Alors, un plan à trois ? ») ou voir sa compétence remise en cause si elle est ouverte sur son orientation, particulièrement si elle travaille avec des enfants.

Au sein de la communauté LGBTQ+, la biphobie est particulièrement douloureuse car elle vient d’un espace censé être safe. Les personnes bisexuelles sont souvent accusées de « profiter des privilèges hétéros » lorsqu’elles sont dans une relation hétérosexuelle, perçues comme des « touristes » ou des « traîtres » qui ne sont pas assez engagé·e·s dans la lutte. Leurs expériences de discrimination sont minimisées (« Tu n’es pas assez gay pour comprendre ») et elles peuvent se voir refuser l’accès à certains espaces LGBTQ+.

Dans le domaine médical et psychologique, l’ignorance peut être source de graves préjudices. Un·e médecin peut attribuer abusivement une infection sexuellement transmissible à la bisexualité d’un patient, ou un·e thérapeute mal informé·e peut chercher les « causes » de cette orientation, perpétuant l’idée qu’il s’agit d’un trouble.

Qui peut être biphobe ? Origines et porteurs de ces préjugés

Une idée fausse mais répandue est que la biphobie émane uniquement des personnes hétérosexuelles. En réalité, elle est un phénomène transversal qui peut être perpétré par n’importe qui, indépendamment de son orientation sexuelle.

Les personnes hétérosexuelles peuvent être biphobes par méconnaissance, en reproduisant des stéréotypes véhiculés par la culture dominante, par conformisme à la norme hétérosexuelle monosexuelle (qui postule qu’on ne peut être attiré que par un seul genre), ou par un rejet pur et simple de toute sexualité non hétéronormée.

Les personnes homosexuelles et lesbiennes peuvent parfois manifester de la biphobie, souvent en raison d’une méfiance nourrie par les stéréotypes (peur de l’infidélité, impression que la personne bisexuelle finira par « retourner » dans l’hétérosexualité) ou par un sentiment de trahison. Cette dynamique, parfois appelée « monosexisme » au sein de la communauté, nie la légitimité des attirances multiples.

Les personnes bisexuelles elles-mêmes peuvent internaliser la biphobie. Grandissant dans une société qui nie et dévalorise leur orientation, elles peuvent intérioriser ces messages négatifs, ce qui conduit à une estime de soi fragilisée, des sentiments de honte, de doute permanent sur sa propre identité (« suis-je assez légitime ? ») et parfois même un rejet des autres personnes bisexuelles. Les origines de la biphobie sont donc profondément ancrées dans un système social qui a du mal à conceptualiser et à accepter la fluidité et la complexité de la sexualité humaine en dehors des cases binaires.

Quel est l’impact psychologique de la biphobie sur les personnes concernées ?

L’impact de la biphobie sur la santé mentale est significatif et ne doit pas être sous-estimé. Le stress minoritaire, c’est-à-dire le stress chronique induit par l’appartenance à un groupe stigmatisé, est particulièrement élevé chez les personnes bisexuelles en raison de cette double marginalisation.

Les études épidémiologiques montrent constamment que les personnes bisexuelles présentent des taux plus élevés de dépression, d’anxiété, de troubles de l’humeur et de idéations suicidaires que les personnes hétérosexuelles, mais aussi souvent que les personnes gay et lesbiennes. Ceci s’explique directement par l’exposition cumulative à la stigmatisation, au rejet et à l’invalidation de la part des deux mondes, hétéro et homo.

Psychologiquement, cela se traduit par un sentiment permanent d’illégitimité et de non-appartenance. La personne peut avoir l’impression de ne jamais être « assez » : pas assez gay pour les gays, pas assez hétéro pour les hétéros. Cette quête perpétuelle de validation est extrêmement éprouvante. Elle peut conduire à un isolement social volontaire, par peur d’être rejetée ou mal comprise, ou au contraire à un sur-adaptation (cacher son orientation, « passer » pour hétéro ou gay selon le contexte), ce qui est une source majeure de fatigue et d’aliénation.

Dans les relations intimes, la méfiance internalisée peut créer des difficultés à faire confiance ou à se sentir en sécurité. La peur que son ou sa partenaire soit précisément biphobe (« Et si il/elle pense que je vais forcément le/la tromper ? ») ajoute une couche d’anxiété supplémentaire au couple.

Comment distinguer la biphobie de l’homophobie ?

Bien que liées, la biphobie et l’homophobie sont deux formes de discrimination distinctes qui méritent d’être nommées et combattues séparément. La différence fondamentale réside dans leur cible.

L’homophobie prend pour cible l’homosexualité, c’est-à-dire l’attirance exclusive ou principale pour des personnes du même genre. Ses manifestations visent à rejeter, punir ou invisibiliser cette attirance spécifique.

La biphobie, elle, prend pour cible la bisexualité et les autres attractions multi-genres (comme la pansexualité). Son noyau dur est le déni de la possibilité même d’une attraction pour plus d’un genre. Ainsi, une personne gay ou lesbienne sera confrontée à l’homophobie si on lui dit « être gay, ce n’est pas normal ». Une personne bisexuelle, elle, sera confrontée à de la biphobie si on lui dit « la bisexualité n’existe pas, tu es juste confus·e ».

Une autre différence clé est le type de stéréotypes employés. L’homophobie utilise souvent des stéréotypes liés à la non-conformité de genre (« trop efféminé », « trop masculine »). La biphobie, elle, utilise des stéréotypes liés à l’hypersexualisation, à l’infidélité et à l’indécision. Enfin, une personne bisexuelle peut subir de l’homophobie lorsqu’elle est perçue comme gay/lesbienne (si elle est avec un partenaire du même genre) ET de la biphobie spécifique lorsqu’on nie son identité. C’est cette double exposition qui est unique.

Que faire face à des propos ou des actes biphobes ?

Réagir à la biphobie, qu’on en soit la cible ou le témoin, est crucial pour faire reculer ces préjugés. La réponse peut s’adapter au contexte et à votre niveau de confort.

Si vous êtes la cible : Priorisez toujours votre sécurité physique et émotionnelle. Vous n’avez aucune obligation d’éduquer quelqu’un qui vous agresse. Si vous vous sentez en capacité de le faire, une réponse calme et pédagogique peut être efficace : « Ce que tu dis repose sur un stéréotype qui est blessant. La bisexualité est une orientation sexuelle réelle et légitime, ce n’est ni une phase ni un manque de décision. » Désamorcer par l’humour peut aussi être une stratégie pour certaines personnes. Dans tous les cas, assurez-vous de vous entourer de personnes de confiance et de vous confier après-coup pour évacuer le stress.

Si vous êtes témoin : Votre rôle est essentiel. Ne restez pas silencieux·se. Intervenir, même brièvement, montre votre soutien à la personne ciblée et signale à l’auteur que son comportement est inacceptable. Vous pouvez utiliser la technique de la question pour mettre en lumière le préjugé : « Pourquoi dis-tu que ça n’existe pas ? Qu’est-ce qui te fait penser ça ? ». Cela force la personne à expliciter (et souvent à réaliser l’absurdité de) son propre préjugé. Vous pouvez aussi simplement exprimer votre désaccord : « Je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis, c’est un cliché blessant. » En milieu professionnel, signalez les comportements biphobes à la RH ou à votre responsable s’ils persistent.

Au quotidien : Luttez contre l’invisibilisation en utilisant un langage inclusif, en citant des personnalités bisexuelles visibles et en corrigeant gentiment les erreurs courantes (comme le résumé abusif « gay et lesbienne » pour parler de toute la communauté LGBTQ+).

Où trouver du soutien et des ressources pour les personnes bisexuelles ?

Se renseigner et se connecter à une communauté est un puissant antidote à l’isolement causé par la biphobie. De nombreuses ressources existent.

Associations et groupes de parole : Des associations LGBTQ+ nationales comme Bi’Cause en France offrent un espace de rencontre, d’écoute et de militantisme spécifiquement dédié aux personnes bi, pansexuelles et fluid-es. Leurs groupes de parole (en présentiel ou en ligne) permettent d’échanger avec des pairs qui vivent les mêmes expériences, ce qui est extrêmement validant et libérateur.

Ressources en ligne et sur les réseaux sociaux : De nombreux comptes Instagram, blogs et sites web sont tenus par des activistes et des psychologues qui décryptent la biphobie et promeuvent une vision positive de la bisexualité. Hashtags comme #bivisibility (#visibilitebi) permettent de découvrir cette communauté.

Soutien psychologique : Consulter un·e psychologue ou un·e thérapeute compétent·e sur les questions LGBTQ+ et conscient·e des spécificités de la biphobie peut être d’une aide précieuse pour travailler sur l’estime de soi, l’anxiété sociale et les traumatismes liés à la stigmatisation. Il est crucial de choisir un·e professionnel·le affirmatif·ve, qui valide votre identité et ne la considère pas comme un problème à résoudre.

Culture et représentation : S’informer grâce à des livres (« La Bisexualité – Pour en finir avec l’invisibilité et les préjugés » de Julia Pietri), des documentaires et des séries avec des personnages bisexuels bien écrits permet de se construire une image positive de soi et de contrer les récits négatifs dominants.

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